Dans ces temps tragiques où l’angoisse de la France est à la hauteur de sa volonté de combattre ce qui croit pouvoir la briser, j’éprouve une mauvaise conscience. Est-il bien sérieux d’écrire un billet sur la francophonie, sur la langue française et sur ce qu’elles représentent ?Qu’on se rassure : malgré le titre que j’ai choisi, je ne suis pas atteint par le tic national d’évoquer la belle action de résister pour tout et n’importe quoi. J’ai même lu que pour Olivier Py avoir assisté au festival d’Avignon constituait un acte de résistance. Le spectateur comme guerrier, il fallait y penser !
Pourquoi cependant ai-je pris le risque de m’inscrire dans cette lignée dont j’espère ne pas être éclaboussé ?
Parce que je crois en l’honneur d’être français, parce que je suis persuadé que maîtriser la langue française, la porter haut, vouloir la maintenir dans sa pureté et sa force, s’efforcer de la diffuser dans le monde, refuser son délitement est à la fois une mission, une exaltation. Et, je le répète, un honneur.
Je suis d’autant plus sensible à cette cause qu’étant médiocre pour tous les arts sociaux, je me suis accroché, comme à une bouée de sauvetage, à la parole, à la langue, pour moi la plus éclatante démonstration de mon aptitude à être. Comment ne pas m’investir dans ce qui relève de ma propre sauvegarde ?
Depuis le 11 février, le Secrétariat d’Etat au Développement et à la Francophonie a été confié à André Vallini et c’est un bonheur, pour une fois, qu’il n’y ait pas de hiatus entre la compétence et le service.
En plus, et ce n’est pas mince pour ce poste, André Vallini parle un français qui ne tombe dans aucune vulgarité et a l’élégance de son locuteur. Ce n’est pas chez lui qu’on trouvera la moindre complaisance pour l’usage choquant de l’anglais en France et de la part de Français. Il suffit de se rappeler sa dénonciation forte sur ce plan pour le concours de l’Eurovision et l’Euro 2016.
La francophonie est entre de bonnes mains et dans un bon esprit.
Heureusement. Car, si mille professeurs du monde entier se sont réunis au cours de ce mois à Liège pour défendre le français, le constat est que d’ici à 2020, il manquera 180 000 enseignants de français, notamment en Afrique (Le Figaro).
Comme pour beaucoup de causes qui paraissent nous toucher, l’essentiel est d’abord de balayer devant notre porte, d’assumer une responsabilité qui nous revient en priorité. C’est en France, dans tous les secteurs où la langue, au lieu d’être dégradée, devrait être magnifiée, dans les registres politique, culturel, médiatique, sportif, judiciaire et social, que l’enjeu est capital.
Quand, faute de savoir maîtriser une aptitude, une richesse, une qualité, un vocabulaire qui vous échappent, on préfère accompagner le déclin plutôt qu’y résister, on participe au désastre. Quand la vulgarité des mots semble le comble de l’audace et qu’on s’obstine à rire du grossier parce que le fin, le complexe et le délicat ne sont plus à la portée du français tel qu’on ne l’apprend plus et même qu’on le méprise, on tombe.
L’honneur de parler français est un pavillon qu’on doit dresser haut contre tous ceux qui, sur un mode subtil ou des entreprises terrifiantes, de manière innocente ou perverse, offensent ce que nous sommes, notre identité, notre histoire, la profonde singularité de ce qui fait “France” et qui intègre la beauté de la langue.