La notion de « droite » a-t-elle encore un sens en France ? Non s’il s’agit d’opposer le PS et l’UMP (Les Républicains). Car le véritable clivage oppose les populistes à l’écoute de l’électorat aux médiagogues à l’écoute des médias. Oui, s’il s’agit de distinguer et d’analyser les comportements électoraux. Et sur le fond la notion de droite garde un sens : l’attachement aux racines, à la continuité et à la tradition. La droite, c’est aussi un tempérament, une attitude et des valeurs : celles du LIS, des libertés, de l’identité et de la souveraineté. Voici les réponses de Jean-Yves Le Gallou à Éric Letty de Monde et vie.
M&V : La présidentielle et les législatives montrent une nouvelle fois que l’union de la gauche est possible, alors que, dans les faits du moins, celle des droites ne l’est pas. « Nos valeurs ne sont pas les mêmes », affirment les appareils pour s’en justifier. Finalement, parler de droite a-t-il encore un sens ?
Jean-Yves Le Gallou : Cela garde un sens sur le plan des idées, mais plus beaucoup sur celui des oppositions entre appareils partisans. On peut encore parler des idées de droite, mais je ne crois pas que l’on puisse assimiler le PS à la gauche, ni l’UMP à la droite, ces deux partis se situant dans un mouchoir de poche idéologique: l’un et l’autre sont favorables au libre-échange, à l’ouverture des frontières, à l’immigration… En revanche, leurs électorats diffèrent. L’électorat de base de la gauche est constitué par les minorités ethniques, les élites mondialisées et urbanisées, celui de la droite par les périphéries et les classes populaires et moyennes. En fait, le vrai clivage ne passe pas entre les appareils politiquement corrects du PS et de l’UMP, qui ne sont ni de droite, ni de gauche et communient dans le même politiquement correct, mais entre les populistes et les médiagogues.
Comment les définissez-vous ?
Le populiste est à l’écoute de l’électorat, le médiagogue à l’écoute des médias. Les médiagogues savent qu’aujourd’hui, pour devenir ministre ou être élu président de la République, il faut être sélectionné par les médias et tenir le discours qui leur plaît et qu’ils attendent. Or, les dirigeants politiques UMP, et même, dans une moindre mesure, ceux du Front national, sont amenés à passer beaucoup de temps avec les gens des médias, vecteurs de l’idéologie dominante. Les campagnes électorales – c’est leur bon côté – les contraignent à reprendre contact avec les réalités et les valeurs du peuple. C’est ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet, qui aime pourtant les journalistes, leur a interdit de l’accompagner pendant sa campagne électorale, les propos qu’elle allait devoir tenir à ses électeurs risquant de leur déplaire.
Selon-vous, qu’est-ce qui différencie fondamentalement, sur les valeurs, la droite de la gauche, et l’homme de droite de l’homme de gauche ?
La droite est attachée aux racines, à la continuité et à la tradition, tandis qu’à gauche prévaut toujours la logique de la table rase. C’est pourquoi l’UMP ne peut pas être située à droite lorsqu’elle tient un discours « moderniste ». La droite accepte les différences et refuse l’égalitarisme et le nivellement sous toutes ses formes : hommes/femmes, catholique/musulman, blanc/noir, Français/Anglais… Quant à la différence entre l’homme de droite et l’homme de gauche, je dirai que l’idéal de l’homme de droite est celui du héros tragique, pour qui il importe de bien se tenir et qui privilégie les valeurs d’honneur, de droiture, à l’opposé du monde marchand. Il se heurte en effet à la domination absolue de ce monde marchand, qui refuse et gomme toutes les différences à l’exception de celles créées par l’Argent.
L’homme de gauche, quant à lui, revendique une certaine justice, qui risque toujours de se transformer en égalitarisme.
L’expression utilisée par Guy Mollet : « la droite la plus bête du monde », a fait florès. Il est admis que les intellectuels sont de gauche et que la droite n’a pas d’idées, elle gère la boutique. Qu’en pensez-vous ?
C’est doublement faux. Premièrement, la droite n’est pas gestionnaire. Les deux tiers de la dette française sont dus à des gouvernements UMP, qui se prétendaient de droite. Au cours des cinq dernières années, Fillon et Sarkozy ont creusé un trou de 600 milliards d’euros : peuvent-ils après cela prétendre être de bons gestionnaires ? Deuxièmement, je ne suis pas du tout convaincu qu’en France l’intelligence soit de gauche : n’oublions pas que notre seul prix Nobel d’économie, Maurice Allais, l’homme qui avait annoncé la crise économique avec vingt d’avance, était de droite.
Les intellectuels qui sont médiatisés sont de gauche, ce qui n’est pas pareil : ainsi, quantité de faussaires, comme B-H.L., Jacques Attali, ou le démographe Hervé Le Bras sont régulièrement invités sur les plateaux des télévisions. Mais je suis frappé par le nombre d’authentiques intellectuels qui sont en train de basculer à droite, comme Richard Millet, qui s’interroge sur la perte de sens et dénonce l’« immigration massive en Europe de peuples extra-européens », en rupture radicale avec le discours dominant ; le géographe Christophe Guilluy, qui a travaillé sur la fracture entre la périphérie et le centre urbain ; la démographe Michèle Tribalat ; Régis Debray, qui revient au concept de frontières ; en philosophie, Chantal Delsol, Philippe Nemo, Jean-François Mattéi ; en géopolitique, Aymeric Chauprade ; dans le domaine artistique, Jean-Louis Harouel, Jean Clair, Michel Maffesoli, Aude de Kerros, Christine Sourgins… On assiste aujourd’hui à une révolte des intellectuels contre le système dominant, mais les médias étouffent leur voix. La seule émission qui les reçoive, celle de Frédéric Taddéi sur France 3, a vu son temps de parole divisé par quatre – et ce n’est pas un hasard. Les vrais intellectuels sont de droite – mais sont placés sous l’étouffoir.
Lu sur Polémia