Poutine a offert L’Evégenliaire de Reims à l’empereur Macronix!

 

C’est un cadeau tout à fait particulier qu’a fait le président russe à son homologue français lors de leur rencontre lundi 29 mai à Versailles : une édition, destinée à un public de savants spécialisés en lettres slaves, de l’Évangéliaire de Reims. Cette édition comporte deux volumes : le premier est la reproduction à l’identique du manuscrit, sans aucun ajout ; le second est également un fac simile, mais avec déchiffrage et commentaires, tout en russe. L’histoire ne dit néanmoins pas si le présent comportait bien les deux parties.

L’Évangéliaire est un texte slavon du XIe siècle, dont l’original est conservé au fond Carnegie de la bibliothèque municipale de Reims. « Porteur d’une forte charge symbolique, ce manuscrit fait l’objet de diverses croyances, peut-on lire sur la notice de présentation de la bibliothèque de Reims. Ainsi une légende tenace veut-elle que l’évangéliaire slavon ait appartenu à la reine Anne de Kiev qui l’aurait rapporté en France au XIe siècle. » Une légende aujourd’hui considérée comme fausse par la plupart des historiens. « Autre tradition quant à elle très plausible, mais indémontrable avec une absolue certitude, poursuit la notice, l’affirmation selon laquelle les rois de France prêtaient serment sur cet Évangéliaire. »

Un symbole à l’histoire contestée

Les tsars Pierre le Grand, en 1717, et Nicolas II, en 1901, en visite à Reims, s’étaient fait présenter l’Évangéliaire lors de leur passage. Mais cette fois, inversant la perspective, c’est le président russe qui a tenu à présenter le texte au chef de l’État français, qui le recevait à Versailles à l’occasion du tricentenaire de la visite du tsar Pierre le Grand, se livrant à une véritable démonstration de force par le symbole.

À Emmanuel Macron, qui louait l’ouverture européenne de Pierre Le Grand, Vladimir Poutine a par ailleurs répondu en évoquant « des racines beaucoup plus profondes » en la figure « d’Anne de Russie », épouse de Henri Ier, roi des Francs. Elle « a contribué au développement de la France puisqu’elle a été l’une des fondatrices de deux dynasties européennes, les Valois et les Bourbons », a souligné le président russe.

La référence à « Anne de Russie » comme pionnière des relations franco-russes n’a évidemment pas manqué de susciter des réactions indignées côté ukrainien, comme celle de Dmytro Shymkiv, chef adjoint de l’Administration présidentielle d’Ukraine qui a déclaré : « Anne de Kiev, reine de France, venait de Kiev, non de Moscou », ajoutant : « Et le célèbre Évangéliaire de Reims, utilisé pour les couronnements des rois, était à l’origine le livre d’Anne, issu de la célèbre bibliothèque de son père Iaroslav le Sage, grand prince de Kiev. » 

Historiquement, Anne est née dans la Rus’ de Kiev, principauté slave orientale qui a existé du XIe au XIIIe siècle, une immensité qui s’étirait entre la Volga, la mer Noire et le Royaume de Pologne, englobant une partie de la Russie et de l’Ukraine. Sa capitale était Kiev, qui fut, de fait, le berceau de l’orthodoxie russe. Un pan d’histoire particulièrement sensible dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine, et auquel Vladimir Poutine se réfère régulièrement pour affirmer que le destin des deux peuples est lié, et justifier par là l’attitude de Moscou à l’égard de Kiev.

D’où vient l’Évangéliaire ?

En ce qui concerne l’Évangéliaire, il est de plus en plus admis comme sûr qu’il n’a pas été apporté en France par Anne. Mais, comme l’explique la note de la bibliothèque municipale de Reims, « cette idée est encore largement répandue en Russie et en Ukraine comme en témoignent les éditions récentes. La plus récente, datée de 2010, à l’initiative de la Fondation de l’Encyclopédie de l’Ukraine au Canada, reprend une nouvelle fois l’idée fausse d’une provenance via Anne de Kiev ».

Des rois de France ont-ils prêté réellement serment dessus ? Rien ne permet de l’affirmer avec une absolue certitude. 

Ce que l’on sait avec certitude des faits historiques, c’est que le manuscrit se trouvait à Prague au XIVe siècle. « Charles de Luxembourg, roi de Bohême (1347-1378), puis empereur (1355-1378) se fit le chantre d’une renaissance des lettres slaves dans cette ville. Il y fonda le couvent d’Emmaüs, qui devint un haut lieu de la culture slavonne. Et c’est à cette abbaye qu’il donna le manuscrit suivant, soit un recueil d’Évangiles du Temps et des Saints suivant le rite russe, écrit en caractères cyrilliques. Ce manuscrit date probablement du XIe siècle et pourrait être contemporain de saint Procope, qui fut l’apôtre de la Russie et mourut au début du XIe siècle, en 1030. On sait que ce dernier écrivit de sa main un texte des évangiles. Son origine reste néanmoins incertaine », peut-on lire sur la note de la bibliothèque de Reims. Comment est-il arrivé à Reims ? Le cardinal de Lorraine, archevêque de Reims et grand bibliophile, en fit l’acquisition à la fin du XVIème siècle et l’offrit à la cathédrale de Reims en 1574. Des rois de France ont-ils prêté réellement serment dessus ? Rien ne permet de l’affirmer avec une absolue certitude.

Il n’en reste pas moins que l’Évangéliaire de Reims convoque à la fois l’imaginaire rémois, celui du sacre des rois, d’une France royaume catholique depuis la conversion de Clovis ; mais aussi l’imaginaire de la Rus’, principauté orthodoxe depuis la conversion de Vladimir 1er, et le règne de son successeur Iaroslav le Sage, père d’Anne de Kiev, une filiation dans laquelle s’inscrit Vladimir Poutine. C’est donc un cadeau symboliquement complexe qu’a offert le président russe à Emmanuel Macron, une sorte de kaléidoscope diplomatique, à multiples messages, à l’image des relations entre les deux pays.

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