Le Chinois fasciné par des lunettes…

À force d’ériger en œuvre d’art des tas d’ordures, de gravats, des bassines en plastique, des serpillières usagées, des pyramides de PQ, des colonnes d’oranges pourries, voire des boîtes de « Merda d’artista » et autres tampons hygiéniques, il fallait bien que ça arrive…

Et c’est arrivé. On a pu voir ce matin, relayée sur le compte Twitter de Cyprien Cini (RTL Matin) la photo d’un Chinois agenouillé devant une paire de lunettes. Un « malvoyant » les avait sans aucun doute laissées tomber. Le Chinois a crié au génie et s’est prosterné pour mieux photographier ce monument de l’art contemporain.

Un premier conseil, donc : attention à ne pas laisser tomber vos lunettes dans un musée d’art moderne, vous risqueriez de ne pas pouvoir les récupérer.

Certes, me direz-vous, on a déjà vu des femmes de ménage balancer à la benne des installations hautes en couleur et surtout en odeurs. Comme cette pauvre Anna Maachi du musée de Bari (Italie) qui, découvrant un tas d’ordures fait de papier journal, de cartons et de morceaux de biscuits étalés sur le sol, a accompli dans le silence du petit matin une vraie performance : foutre tout ce merdier à sa place, c’est-à-dire à la poubelle.

Elle s’en était expliquée avec un solide bon sens à La Repubblica qui l’interrogeait alors : « J’ai ouvert la salle et j’ai vu tout ce désordre par terre […] un vrai bordel. Alors j’ai pris les cartons, les bouteilles, j’ai tout jeté… Comment aurais-je pu le savoir ? […] J’ai tout simplement fait mon travail. »

On a excusé la femme de ménage : elle n’était pas éduquée aux subtilités de l’art contemporain. Le Chinois à quatre pattes devant ses lunettes, si. C’est pourquoi il n’a pas songé un instant à les ramasser pour les déposer au bureau des objets trouvés…

Au moment où j’écris ces lignes, je reçois une invitation pour « le finissage » d’une exposition. Sachez-le, les finissages sont à la mode.

Le texte qui l’accompagne vaut le détour : « Il faut attendre de l’art qu’il soutienne notre regard en imposant une réalité auprès d’un réel entraperçu. Et tout le travail de l’artiste est de nous produire le déplacement métaphorique d’une idée qui a pu un jour nous saisir. » Saisir par les branches, sans doute, comme la paire de lunettes. « Les éléments utilisés sont les plus simples et seules les manipulations, les gestes que l’on perçoit mesurés, les reports méthodiques des principes constructifs élaborent les grandes formes. » Ben tiens !

Ne cherchez pas à comprendre, ça ne veut rien dire. C’est juste là pour impressionner. Mais je vous donne un deuxième conseil : apprenez ce baratin par cœur. Il peut servir à tout : peinture, sculpture, vidéo, installations, hip-hop, rap… Tout ! Ça vous permettra de briller dans les dîners en ville.

Marie Delarue   – Boulevard Voltaire

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