Par Pierre Malpouge
Les Indes noires ! Mumbai, quartier de Bombay grouillant d’une population polyglotte où la pauvreté, le chômage, la santé publique et le système d’éducation inadéquats sont le lot quotidien d’une part importante de la population. Une population dont la moitié vit dans un bidonville, celui de Dharavi.
C’est là, dans ce quartier de Mumbai que Rahul (Rahul Bat) et Shalini (Téjaswini Kolhapure), les parents divorcés de Kali, petite fille de dix ans qui vit désormais avec sa mère et son beau-père Shoumik (Ronit Roy), commandant en chef d’une brigade de la police de Bombay, vont vivre ce que tous les parents redoutent…
Un samedi, alors que Kali passe la journée avec son père Rahul, ce dernier laisse sa fillette dans sa voiture garée en plein marché, le temps d’une brève visite à l’un de ses amis. A son retour, la fillette a disparu.
Pour Rahul, c’est le début d’une descente aux enfers au cœur de Mumbai. Un quartier sale, poisseux, aux ruelles nauséabondes à faire fuir un bataillon de clochards. Un quartier labyrinthique plein de pièges et de culs-de-sac, de fausses apparences et de mauvaises pistes.
Inutile de vous dire que dans cette « ville » pervertie par l’argent, vérolée par le vice et l’avidité, gangrenée par la corruption, le mensonge et la violence et où tout sens moral a disparu – même parmi les proches de la famille qui, profitant de l’enlèvement de Kali, sont prêts à toutes les ignominies, y compris le racket des grands-parents, pour leur soutirer quelques roupies de plus –, même au sein de la police toute puissante, sadique et incompétente, Rahul va tomber de Charybde en Scylla…
La cité des enfants perdus ! Loin des clichés colorés d’une Inde fantasmée et des comédies musicales de Bollywood, le réalisateur Anurag Kashyap signe un thriller glauque et asphyxiant sur une Inde où les violences psychologiques et physiques faites aux femmes ainsi que les trafics d’enfants sont monnaie courante (il est en effet courant de retrouver des corps d’enfants morts dans ce pays où la police a recours, de façon quasiment officielle, à la torture et où l’on peut, à la moindre suspicion, se faire lyncher par la foule).
En se basant sur des événements identiques à ceux racontés dans son film sec et violent, Anurag Kashyap nous sert la radiographie terrifiante d’une société indienne sans repère et d’où tout sens moral a disparu.
Au final, une sorte « d’affreux, sales et méchants » pour un anti-Bollywood sans fard !