L’accord de la Commission européenne à l’exemption de visas pour les ressortissants turcs entrant dans l’Union européenne (UE) est vu par Bruxelles et les médias sous le seul angle des droits de l’homme. Or il lèse la souveraineté de l’UE et de ses Etats membre et prépare une invasion alternative à celle des migrants.
L’affaire a commencé en 2013. A l’époque les bureaucrates de la Commission de Bruxelles ont mis en chantier l’exemption de visas pour les ressortissants turcs en l’assortissant de 72 (6×12, pas une de moins) conditions portant aussi bien sur la police des frontières que sur les libertés fondamentales. L’UE, qui ne se définit plus comme une réalité ethnique et géographique, se considère en effet comme une entité philosophico juridique. Elle a officiellement renié, cela fut acté dans son projet de Constitution, ses racines chrétiennes, et se présente comme un Empire incarnant l’Etat de droit, inspiré par un panthéisme humaniste qu’on pourrait dire néo-pythagoricien. Quoi qu’il en soit, l’accord devait originellement entrer en vigueur en 2017 et s’inscrire dans le processus d’intégration graduel de la Turquie souhaité par les maîtres de l’UE à Bruxelles sinon par les peuples d’Europe.
On a avancé cette date à 2016 (Pourquoi ? en raison de la bonne conduite exceptionnelle des Turcs et de leur premier ministre Erdogan ?), plus précisément au mois de juin. C’est pourquoi la date du consentement de Bruxelles a été fixée au quatre mai, le temps de rendre la chose possible, en comptant les formalités administratives – y compris la ratification par les législateurs des Etats membres. (…)
Cette approche n’est qu’un enfumage. Pour trois raisons. La première est que les conditions portant sur la police des frontières n’ont aucune efficacité sans ferme volonté politique. Jean Yves Le Gallou, dans son livre Immigration, la catastrophe : que faire ? démonte avec précision l’illusion technologique de l’UE. Notamment son fétichisme du passeport biométrique, qui ne sert à rien dans les faits – si ce n’est à ficher les honnêtes gens – les moyens humains de contrôle aux frontières manquant.
En deuxième lieu, les 72 conditions posées par Bruxelles sont une blague parce que nulle part dans l’UE les droits fondamentaux que l’on soupçonne les Turcs de bafouer ne sont vraiment respectés. Ni en Allemagne ni en France la liberté de parole et le droit à une justice indépendante et impartiale ne s’exercent. Des lois liberticides et une jurisprudence perverse s’y opposent, sans compter, si besoin, le fait du prince. La meilleure illustration, toute récente, est l’autorisation donnée par la chancelière Angela Merkel à la justice allemande de poursuivre l’humoriste de télévision Jan Böhmermann, coupable d’avoir chansonné Recep Tayyip Erdogan : en pleine négociation sur les visas et les migrants, elle a fait cette fleur au premier ministre turc pour l’amadouer.
Cette petite courbette place le problème là où il se situe vraiment, la souveraineté. C’est la troisième raison pour laquelle les états d’âme des bureaucrates de Bruxelles et des parlementaires humanistes de l’UE ne doivent pas entrer en ligne de compte. Avec ses 72 propositions, le Kama soutra européen de l’Etat de droit humaniste a pour mission de faire oublier aux yeux des Européens la vraie nature de l’Europe, de les éloigner de leur réalité charnelle et spirituelle. Dans cette intention, il déplace sur le plan des droits de l’homme (sans Dieu) ce qui est une question de souveraineté.
L’UE, très efficace pour spolier peu à peu les Etats membres de leur souveraineté et pour la dissoudre, est incapable en revanche d’affirmer la souveraineté qu’elle aurait pu acquérir par ce processus de spoliation. Elle en est incapable parce qu’elle n’en a pas la volonté. Cette caractéristique constitutive est apparue aux yeux de tous avec la « crise des migrants ». Il aurait été loisible à Bruxelles, répondant à la demande pressante de plusieurs Etats membres, de prendre le destin de l’UE en main, et de rejeter les migrants, au besoin par la force en ramenant les clandestins dans leurs eaux territoriales. Les moyens militaires existent. Mais, liée par ses engagements moraux, son idéologie humaniste, et pour tout dire par le projet politique mondialiste qu’elle sert, l’oligarchie européenne a choisi la voie inverse, « l’accueil ». Puis, quand les débordements de celui-ci ont fait grogner les peuples, l’UE s’en est remise à la Turquie par l’accord dit du 18 mars. Pour parler proprement, elle a abandonné sa souveraineté entre les mains d’Ankara, s’est mise sans honte sous tutelle du Grand Turc, en achetant sa (toute relative) tranquillité six milliards d’euros (pour l’instant).(…)
Car il ne faut croire aux paroles lénifiantes que prononcent les politiques pour rassurer les peuples. L’invasion se poursuit. L’accord actuel n’en est qu’une phase alternative et complémentaire des migrants. Sans doute Jean Claude Junker a-t-il promis que les choses avaient été discutées « sans concession ». Sans doute la France et l’Allemagne ont-elle obtenu un dispositif visant à suspendre l’entrée sans visa des Turcs dans l’UE en cas d’afflux trop brusque. Mais qui décidera que cet afflux est trop brusque ? Et les Turcs ont exigé que ce mécanisme s’applique à tous les pays qui bénéficient d’une exemption de visa. Quel gouvernement l’appliquera à tous ces pays ? Les prétendues garanties ne sont donc que des mots destinés à faire passer la pilule auprès des peuples et des parlements, y compris le PE qui, farci d’humanistes et d’hommes de gauche, a une petite dent contre Erdogan – non en tant que maître de l’invasion, mais en tant qu’Attila de la démocratie.
Il faut savoir en effet qu’aux yeux d’Amnesty International, et de la plupart des ONG humanistes et mondialistes, y compris le lobby immigrationniste en Europe, Erdogan est considéré comme un dangereux autocrate, et l’accord du 18 mars (« l’accord de la honte ») pire qu’un crime, une faute énorme commise par Bruxelles sous la poussée égoïste de certains Etats membres. Les maximalistes rêvent toujours d’une UE maison commune ouverte à tous les biens et personnes du monde, sans frontière ni d’autre contrainte que les droits de l’homme. Mais la colère qui monte en Europe de l’Est, en Allemagne, en Angleterre, en France, mène les plus avisés à une stratégie de remplacement.(…)
L’Europe se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, mais l’alternative que lui proposent ses élites est piégée. Tout est fait pour qu’elle n’échappe ni à l’invasion, ni à la soumission.