Elle tombe mal cette sortie de bouquin! Juste au moment où les médias fêtent Sibeth… laquelle est directement impliquée dans la catastrophique stratégie de communication de l’Elysée dans l’affaire Benalla. La palme à la médiocrité? Plus vraisemblablement, la macronie étant un désert, le salarié Manu a dû faire les fonds de tiroir. Exactement comme pour la nomination du piètre pitre Castaner. (NDLR)
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(…) Vincent Crase cherche aussi à dédramatiser les évènements du 1er mai. “Ce n’est pas le Rainbow Warrior ! On est juste deux types qui, croyant bien faire, ont dérapé devant quelqu’un qui filmait. Je n’ai même pas mis une claque ! On a agi en se disant qu’on rendait service”. Pour lui, l’affaire aurait tout simplement été montée en épingle : “Comme si l’Elysée nous avait envoyé casser de l’opposant, c’est du délire… C’est une histoire ridicule qui a pris des proportions folles. Benalla a été un défouloir.”
Si coupable il faut trouver, ce ne serait pas lui ou Benalla, mais au-dessus. “S’il y avait eu une sanction directe, ferme, définitive, il n’y aurait pas eu d’affaire Benalla. Ils ont pataugé dans la semoule”, accuse ainsi Vincent Crase dans le Parisien. Dans son livre, il va même plus loin. “Ils ont pensé qu’en 2018 une affaire potentiellement embarrassante pouvait être étouffée. […] C’est cette négligence, cette illusion des grands commis et des nouveaux venus d’avoir la main sur tout qui ont, aussi, transformé cette affaire d’été en affaire d’État.”
A Emmanuel Macron, c’est au final des excuses que Vincent Crase veut adresser, à demi-mots. “Je lui dirais que je suis désolé de cette histoire complètement folle, qui lui a fait du tort. Et qu’en même temps, je n’y suis pour pas grand-chose.”
EXTRAITS CHOISIS
Le 18 juillet, au soir de la révélation de l’affaire par Le Monde
Les deux amis se retrouvent dans un bar à chicha près de l’Élysée, le Damas Café. Benalla arrive à 22 heures, en retard. Ils demandent à mettre BFM, où les vidéos du 1er mai tournent en boucle. « Je connais ces images par cœur. Je les ai vues des dizaines de fois, sur mon téléphone ou celui d’Alexandre. » Benalla a « la bouche ouverte », le « regard défait ». « Il est assommé. Dans trois jours, il doit se marier avec sa compagne de longue date, Myriam, la mère de son petit garçon qui vient de venir au monde. » Benalla lui glisse : « C’est chaud bouillant. »
Sa rencontre avec Benalla
Leur rencontre a lieu en avril 2009, sur la base aérienne d’Évreux (Eure), lors d’une formation à la réserve. Deux garçons font un concours de pompes. Le plus jeune, 17 ans, « mince comme une allumette, un chat maigre comme on dit dans l’armée », « à la mâchoire proéminente », l’emporte. Il s’exprime avec « aisance ». « Tu t’appelles comment ? » demande Crase. « Stagiaire Benalla, mon capitaine. » « Au-delà de la réserve, tu as songé à t’engager dans la gendarmerie d’active ? » « J’y pense, mon capitaine. Je suis déjà pompier volontaire. Je veux faire carrière dans les forces de l’ordre ou la sécurité. » « Tu as le profil idéal », achève Crase, qui vante « un potentiel hors du commun ».
Son regard sur Emmanuel Macron
Il le rencontre dans les coulisses d’un meeting d’En Marche à Strasbourg (Bas-Rhin) en octobre 2016. Benalla lui a proposé d’assurer la sécurité avec lui. « Le regard de Macron ne se pose pas sur vous : il vous transperce », décrit-il, insistant sur son pouvoir « hypnotisant ». Le soir de Noël 2016, en pleine campagne, Crase déguste un foie gras offert par le couple Macron. Christian, garde du corps du candidat, l’appelle et lui passe le « boss », qui lui souhaite de bonnes fêtes. « À vous aussi, président », répond Crase. Le soir de son élection, il félicite le vainqueur : « Le vrai travail commence maintenant et pour cinq ans ! » Macron corrige : « Mais non : pour dix ans ! »
« L’impulsivité » de Benalla
Un jour, au QG de campagne, Benalla s’emporte contre un agent de sécurité qui lui demande de décliner son identité : « Il se prend pour qui ? C’est juste une merde ! » « En voiture, il lui arrive parfois de monter très vite dans les tours et de se montrer agressif, verbalement s’entend », décrit Crase. « Quand Alexandre s’énerve, il ne fait pas semblant. » Il se présente comme un modérateur : « Je suis capable de lui faire entendre raison. »
Des armes au QG de LREM
Crase s’explique sur le mail envoyé le 8 mars 2017 à la direction de campagne « à la demande d’Alexandre ». « J’y passe commande de trois pistolets à gaz, d’un lanceur de type flash-ball, des équipements (munitions, holsters) qui vont avec, et d’un lot de boucliers et de casques. » « Rien à voir avec un arsenal de guerre destiné à faire un carnage et sollicité par deux Rambo de bac à sable. » « À l’époque, la menace terroriste était omniprésente. » Jean-Marie Girier, directeur de campagne, refuse. « Nous demandons et obtenons, un mois plus tard, une autorisation de détention d’armes à feu auprès de la préfecture de police », soit « trois armes de poing, des pistolets Glock 9 mm ». « Les mauvais esprits s’imagineront peut-être que la vue d’un Glock m’a fait sauter de joie comme un gamin le jour de Noël. Dois-je leur rappeler que je suis officier de gendarmerie réserviste depuis plus de dix ans ? »
Les « enfants gâtés » de LREM
Recruté en CDI pour assurer la sécurité du parti LREM, Crase décrit « la surdité de ces enfants gâtés qui pensent qu’on peut changer la vie avec un clavier ». « La déconnexion de la présidence reflète la déconnexion du parti. Ces jeunes hors-sol n’ont aucun intérêt pour le terrain », cingle-t-il. « À mes yeux, cette dérive porte en elle les germes du mouvement des Gilets jaunes. » « Ils nous vendent le nouveau monde, mais connaissent-ils seulement le monde ? »
Le rôle de Benalla à l’Élysée
« Sa mission première consiste à coordonner les différents services de l’État impliqués dans la protection du président » entre la préfecture de police, le GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République) et les préfets, où il fait office de « courroie de transmission ». Benalla a « une deuxième casquette moins officielle, car taillée sur mesure pour sa personne : la coordination de la sécurité des déplacements privés du président ».
« Alex est devenu une sorte d’homme de confiance. » « Il connaît les goûts, les manies, les habitudes, les horaires du président comme sa façon de fonctionner. » « Lorsque le couple veut organiser une sortie au théâtre ou au restaurant, il est à la manœuvre, avec des consignes de discrétion maximales. »
Un rôle de confiance qui agace, selon Crase. « Il n’est pas de leur monde. » Benalla s’accroche notamment avec le colonel Lionel Lavergne, patron du GSPR, à qui il reproche « la lourdeur des dispositifs ». Benalla travaille aussi « sur un projet appelé DSPR, pour Direction de la sécurité de la présidence de la République, une nouvelle entité ayant pour but de simplifier le fonctionnement bicéphale de la protection du président ».
Le 1er mai 2018
Avant de se rendre à la manifestation, Crase prend son arme au siège de LREM, un Glock « que la préfecture de police nous a autorisés à posséder dans le cadre de la campagne présidentielle. Cette autorisation, caduque depuis l’élection du patron, nécessite d’être renouvelée, je le sais ». « Ce 1er mai, je suis conscient de ne pas avoir le droit de prendre cette arme, mais je m’accorde celui, moral, de le faire. »
Dans la salle de commandement de la préfecture de police, Benalla discute avec de hauts gradés. « Tous semblent le connaître et l’apprécier. » « Sa présence et la mienne ne semblent choquer personne. » Place de la Contrescarpe, la tension monte. « Des bouteilles vides atterrissent sur les policiers. L’une d’elles se fracasse même à quelques centimètres de moi, et un petit éclat vient se ficher dans ma jambe. » Benalla lui dit : « Quand ça charge, on y va. On les chope ! », « Non, laisse les CRS faire. Je n’ai pas de casque, je te rappelle. » « Il faut y aller ! Ils ne vont peut-être pas réussir à les choper ! Il faut les aider ! »
Crase se défend : « Je ne devrais pas, mais j’y vais. Porté, je tiens à le redire, par le sens du devoir qui m’incite à apporter secours. » Benalla s’aperçoit qu’il est filmé. « Il a compris qu’il a fait une connerie. »
Retour à la préfecture, où Benalla échange quelques mots avec Gérard Collomb : « Bonsoir, Alexandre, ça va ? dit ce dernier en lui serrant la main. » Le soir, « Alex, comme tétanisé, regardait en boucle les images de la vidéo ». Le lendemain matin, Benalla lui confie : « J’ai envoyé un message au PR pour le prévenir. Il est en Australie. Il est furieux. C’est fini pour moi. » Crase tente de l’apaiser. « Avec ces images, on est morts », rétorque Benalla.
La gestion calamiteuse de l’Élysée
« Pour moi, les responsables du cabinet et de la communication du président ont, de leur côté, péché par arrogance. Ils ont pensé qu’en 2018 une affaire potentiellement embarrassante pouvait être étouffée. Il aurait été plus raisonnable, intelligent même, une fois nos sanctions prononcées, de faire savoir que deux collaborateurs de la présidence avaient fait l’objet d’une procédure disciplinaire en marge des incidents de la Contrescarpe. » « C’est cette négligence, cette illusion des grands commis et des nouveaux venus d’avoir la main sur tout qui ont, aussi, transformé cette affaire d’été en affaire d’État. »
19 février, au dépôt du palais de justice
Benalla et Crase, suspectés d’avoir violé leur contrôle judiciaire, se retrouvent… sur le même banc. « Benalla se dirige vers moi. Ce n’est pas vrai. Dites-moi que je rêve. Il me fait face, me sourit, puis prend place juste à côté de moi. C’est une blague ? Une caméra cachée ? Non : c’est bien sur ce bout de banc précis, à ma gauche, qu’on lui a intimé l’ordre de s’installer. C’est magique quand même, glisse Alex dans un sourire narquois. On est là parce qu’on s’est soi-disant vu et parlé, et on nous colle l’un à côté de l’autre. » Benalla achève : « On va aller au trou, tu sais. »