Débat présidentiel: conclusions de Jean Lassalle! (Vidéo)

Jean Lassalle a été le dernier des onze candidats à l’élection présidentielle à arriver dans les studios du débat présidentielle, diffusé sur BFMTV et RMC, ce mardi à 20h40. Interrogé sur ce retard, le député des Pyrénées-Atlantiques a évoqué sa naissance pour l’expliquer: “Peut-être, je suis parti un peu en retard. Maman a mis 8 jours à me mettre au monde. Je n’ai jamais pu rattraper ce retard”.

 

lassalliste

 

Classé parmi les « petits candidats » de la présidentielle, Jean Lassalle est crédité de 1 % au premier tour par les sondages. Pas de quoi désarçonner le député béarnais et berger pyrénéen, homme de convictions… mais lesquelles ?

— Vous êtes enraciné, maire d’une commune de moins de 200 habitants. Pourtant vous avez longtemps siégé à l’Assemblée nationale au Modem. Comment vous définissez-vous politiquement ? Pensez-vous être le seul candidat représentant le pays réel ?

— Je n’aurais pas cette prétention ! J’ai quitté le Modem, comme j’aurais quitté le PS ou LR si j’y avais été. Je ne peux plus supporter ce que nous étions obligés de faire, à savoir mentir comme un arracheur de dents en permanence. Aujourd’hui, je suis dans le mouvement Résistants ! créé de toutes pièces pendant la marche [ndlr : le tour de France du candidat en 2013] avec un groupe d’amis. Nous sommes aujourd’hui près de 15 000 adhérents. Parmi eux, beaucoup sont des abstentionnistes. Ils sont encore plus remontés que les électeurs du FN. Ils viennent de toutes les sensibilités, de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par les centristes. Personnellement, j’ai parrainé Philippe Poutou. Je me sens candidat du peuple, par le peuple et pour le peuple. Celui-ci est supposé souverain : c’est donc lui qui décide. Et pour qu’il reprenne conscience de sa force, nous devons renouer avec la notion de citoyen. Or aujourd’hui, tout le monde en parle mais plus personne ne sait à quoi cela correspond. Lorsque j’ai voulu publier mon ouvrage Le Retour du citoyen (éd. Cherche Midi), mon éditeur m’a d’abord refusé le titre. Mais aujourd’hui il n’y a pas un mouvement qui ne commence par Marche ou par Citoyen. J’ai en quelque sorte influencé mes collègues candidats. Je crois donc être dans une démarche profondément républicaine et populaire.

Lassalle fait campagne, dans une relative indifférence médiatique.

— Vous avez effectué en 2013 un tour de France, 5 000 km à pied, pour prendre le pouls du pays. Quel était-il, quelles sont les préoccupations majeures des Français ? Comprenez-vous les scores élevés du FN ?

— Complètement. J’ai trouvé un pays qui a peur et qui n’a plus confiance en personne, hormis les 20 % qui trouvent refuge chez LR, ce qui reste de socialistes ou de centristes. Ce qui préoccupait le plus les Français, et notamment les jeunes qui étaient très nombreux à venir à ma rencontre, c’était la perte de confiance envers les politiques. Ils nous haïssent car nous jouons comme dans un théâtre d’ombres, incapables de tenir la moindre parole. Je crois que c’est ça, avant même le chômage, la crise économique ou autre… Mais ils aiment le maire et aussi le journal local. En revanche, ils détestent les journalistes de la presse nationale, qui passeraient leur temps à déformer les faits et la réalité. Les journaux appartiennent soit à des vendeurs d’armes [ndlr : Dassault], soit à M. Bolloré qui sévit en Afrique, ou encore à un vendeur de béton [ndlr : Bouygues]. Ils sont aux ordres du gouvernement. On leur dit par exemple : « Pas de Lassalle pendant un an et demi », et ils s’y tiennent. Derrière ces deux catégories honnies – politiques et journalistes –, viennent juste après la justice et les banques. Le chômage les préoccupe beaucoup également. Il existe une grande frustration devant la perte de 150 000 entreprises en 15 ans, de même que nous sommes également en train d’assister à l’affaiblissement de notre agriculture. Plus personne ne veut reprendre la succession d’une exploitation. Cela coûte trop cher. Bref, nous sommes revenus à un taux de pauvreté équivalent à celui de 14-18…

Ajoutez à cela l’inquiétude quant à l’avenir des enfants. D’ailleurs, les parents ne les comprennent plus. Il y a une grande difficulté à échanger entre les générations en raison d’internet qui a tout bouleversé. Jusqu’à il y a peu de temps, il y avait 25 ans d’écart entre le père et son fils. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, il y a mille ans. Les parents ont également du mal à suivre les enfants dans la scolarité, qui est aujourd’hui totalement désorganisée.

— L’un des thèmes récurrents de votre campagne est la dénonciation de l’oppression financière. Qu’entendez-vous par là ?

— Je veux parler de la dictature financière. Elle a beaucoup progressé depuis une dizaine d’années, sans que rien soit fait pour lui être opposé. Et pourtant, avec la crise de 2008, nous étions prévenus de ses méfaits ! Nous arrivons un stade où les Etats et les institutions financières internationales sont dépassés ; les Etats européens confient notre politique économique à des acteurs extérieurs : Bruxelles, ou des responsables étroitement liés à la prédation financière. On nous parle tous les jours de la dette publique, qui prive de ressources les écoles ou les hôpitaux. Mais pour qui cette dette est-elle contractée ? Les établissements financiers, qui font d’énormes bénéfices sur le dos des Etats ! Il est donc urgent de réglementer la grande finance pour retrouver une politique cohérente. Il faudrait par exemple promouvoir l’agriculture, particulièrement l’agriculture familiale, avant le « tout financier », accompagner le paysan pour qu’il puisse rester sur sa terre, travailler avec sa conjointe ou son conjoint, vivre de son salaire et enfin accéder à une retraite décente.

— Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle et la teneur des débats ?

— Elle est à la fois affligeante et indigne de notre pays, de son attachement à la politique. La France est très politisée, mais aujourd’hui les gens décrochent. Ça n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu lors de mai 68. A l’époque, ça y allait ! Les Français sont, je pense, dégoûtés de la politique et souhaitent désormais faire sans. Sans compter ceux qui préfèrent partir pour l’étranger…

— Quels sont les thèmes que vous aimeriez voir mis en avant pendant cette campagne, que les affaires concernant les différents candidats empêchent d’aborder ?

— Les Français veulent être rassemblés, indépendamment de leurs couleurs et de leurs religions. C’est le constat que j’ai fait. La France veut revivre l’épisode de la victoire en coupe du Monde de 1998 : la France black-blanc-beur. Par ailleurs, je veux redonner à l’Etat sa pleine légitimité et son espace politique, économique et financier. Il doit redevenir un outil au service des citoyens, puisque c’est sa fonction. Je veux qu’il représente à nouveau, comme je l’ai connu, une chaîne bienveillante depuis Paris jusque dans les communes. D’ailleurs je compte abroger la loi NOTRe [ndlr : Nouvelle Organisation Territoriale de la République, la réforme territoriale] puisque je veux réhabiliter la commune. Au fond, notre démarche tourne autour de la République et de la commune.

— Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de la réforme territoriale justement, qui est la transcription d’une directive européenne ?

— Je vous ai dit que j’avais besoin de retrouver l’espace politique, financier et économique. Comme je l’ai expliqué à nos frères européens, je ne compte pas pour autant organiser de Frexit car la France est déjà assez divisée comme ça, tout comme les autres pays le sont.

— Vous avez rappelé votre attachement au projet européen dont vous dénoncez pourtant les travers. Comment le concevez-vous ?

— Je suis favorable à une Europe des nations, telle que l’imaginait le général de Gaulle. Nous payons aujourd’hui trente années d’Europe sans projet politique ni démocratie. Pour autant, il faut sauvegarder la paix et nous maintenir dans un monde mondialisé, et donc rester dans l’Europe. Mais nous devons urgemment récupérer une partie des dotations que nous versons aux institutions européennes. Car, en réalité, la France a besoin de retrouver un pouvoir qu’elle a perdu depuis longtemps. Cela fait quarante ans qu’elle n’a pas de président… Elle a besoin de recouvrer des marges d’action politiques et financières. Sinon, sans changement de paradigme, les candidats ne pourront pas appliquer le programme qu’ils défendent. A nous de dire à nos voisins européens ce que nous sommes et ce que nous voulons. Nous devons être dans une discussion permanente avec nos voisins, sans pour autant nous laisser guider notre conduite. Il faudrait débloquer le processus européen, libérer la parole des Etats – dans un dialogue d’Etat à Etat – afin de résoudre les désaccords, lorsqu’ils se présentent. Il reste à imaginer un projet européen qui soit en résonance avec le monde d’aujourd’hui.

D’ailleurs, on observe que les opinions publiques nationales ne suivent plus ; le projet européen est évacué de la campagne. Il y a toute une série de directives dont nous n’avons pas besoin, comme Natura 2000. Les crédits qui ont été affectés à la mise en place de ce réseau via l’UE affaiblissent notre agriculture. J’abandonnerai ces directives [ndlr : malgré nos relances, le candidat ne nous a pas détaillé ce qu’il ferait concrètement pour « abandonner » des directives, juridiquement contraignantes].

— Avec l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, le renforcement sur la scène internationale de la Russie de Poutine et le Brexit, comment la France doit-elle faire entendre sa voix dans le concert des nations ?

— La France a une dimension universaliste, elle parle à tous les pays du monde. Or l’Europe a du mal à parler d’une seule voix. Parfois, nous sommes étouffés dans une représentation européenne peu conforme au message que porte la France. L’Europe semble également dépassée par le processus de mondialisation. Si rien ne change, nous ne serons qu’une petite région d’un monde hyper-financiarisé dans lequel les Etats sont voués à disparaître. Sur le plan militaire, il nous faut sortir de l’OTAN, une organisation qui a fait son temps. Elle était adéquate au temps des Soviétiques, pas en 2017. Notre pays est la cinquième puissance mondiale. Par exemple, il nous faut reparler avec la Russie, d’Etat à Etat. Nos technocrates européens et nos élites suivistes ne le font plus, ou le font mal. Au fond, si nous voulons être un pays respecté du monde, nous devons respecter les autres Etats et traiter avec eux directement. C’est comme cela que s’établissent des relations apaisées, et plus largement la paix.

Propos recueillis par Marie de l’Isle et Louis Lorphelin pour présent

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