Par Isabel Orpy
La recherche de fonds des Raëliens pour leur ambassade pour extraterrestres fut pour moi la nouvelle la plus réjouissante de ces dernières semaines! Certes, l’annonce est saugrenue mais pour qui connait un peu Raël et les siens, elle s’inscrit dans leur logique, il y a si longtemps qu’ils attendent les Eéolhim en chantant sur des collines et réclament à divers états, dont Israël, un terrain d’une superficie de 4 km2 pour y construire une ambassade extraterrestre et accueillir le peuple Élohim.
Cette secte, se prévalant de 20 000 adeptes, a été fondée par le Français Claude Vorilhon, dit Raël, en 1974. À l’origine, la doctrine du mouvement se base sur le contact de ce médiocre petit journaliste auto avec des extraterrestres, techniquement très évolués, lesquels auraient créé la vie sur Terre ainsi que plusieurs religions comme le christianisme, le judaïsme et l’islam.
En 1975, toujours selon Claude Vorilhon, une nouvelle délégation d’extraterrestres l’aurait emmené sur une planète où il aurait vu des choses prodigieuses, y rencontrant différentes personnalités religieuses tels Bouddha, Moïse, Jésus-Christ et Mahomet, maintenus artificiellement en vie en attendant de revenir un jour sur Terre.
Avec 25 000 ans d’avance technologique sur notre civilisation, les Elohim auraient conçu la vie en laboratoire, eux-mêmes créés de façon identique, formant ainsi une chaine infinie dans le temps et l’espace. Raël soutient que ces extraterrestres lui auraient prédit la destruction de l’humanité par une guerre nucléaire mondiale et que certains êtres (tels les non-violents et ceux ayant contribué au progrès de l’humanité) seraient sauvés par les Elohim et recevraient ainsi les connaissances leur permettant d’atteindre l’âge d’or, durant lequel la science serait au service de l’homme.
Je n’invente rien car les Raëliens, je les ai (involontairement) fréquentés trois mois et de ce fait, je me suis penchée sur leur cas… Et je ne peux résister au bonheur de vous relater ce qui m’advint.
J’étais encore conseiller(e) en communication et m’occupais alors de la pub de deux boites qui enseignaient l’anglais. Elles étaient chacune gérées par des gens très-très sympathiques. J’allais souvent dans la plus petite des deux, laquelle ayant moins de moyens, était dirigée par une toute jeune femme, que j’aidais un peu plus que mes attributions ordinaires. Nous étions donc entrain de choisir du papier pour son mailing et je lui racontais qu’ayant rencontré la veille le président de leur syndicat, il m’avait mise en garde contre l’autre entreprise car elle et de nombreuses consoeurs appartenaient à la Scientologie. (Je ne sais ce qui est advenu depuis mais alors les sectes montaient des cours de langues à tout va.)
J’expliquais donc en riant à cette charmante jeune femme combien cela me divertissait de m’être faite piégée par des scientologues, mais cependant, qu’avec la directrice artistique et le directeur de la création, nous allions les laisser tomber, préférant perdre de beaux honoraires que bosser pour des gens pareils.
” Ils ne sont pas pires que les catholiques” rétorqua-t-elle.
– Gloups, gloups… Finissons en avec ce papier, nous converserons ailleurs.”
Aussitôt dit, aussitôt fait, à peine sorties de la papeterie, je luis annonçais qu’en tant que catho, je ne pouvais lui laisser dire cela et d’y aller de mes explications qu’elle écouta posément. J’avais dix ans de plus qu’elle, la conviction d’un dircom, etc., elle ne répliqua plus. Quand, parvenues dans le hall hausmannien de ses bureaux, elle me “brandit” un tonitruant: “Que pensez-vous des nouvelles religions?”
Langue au chat, je n’en connaissais aucune… et selon moi, Ikéa ne venait pas d’en mettre une sur le marché.
Et c’est assise dans son bureau que j’eus droit à un cours de Raëlianisme et ses bienfaits… Et ce fut la première et dernière fois que je filais 50 francs à une secte car je lui achetais l’une de leur “bible” pour en savoir davantage et divertir les miens. C’était un vendredi en fin d’après midi, il n’y avait aucun client, juste le personnel, tous des Raëliens… J’étais très mal et en même temps morte de rire en écoutant ses propos délirants. J’avais bien perçu quelques proximités étranges entre cette jeune femme et son personnel féminin… du type relation saphique… le directeur financier, un peu austère, toujours en costard cravate avait curieusement des cheveux aussi longs que les miens, soit aux épaules… Ils avaient en fait tous quelque chose d’étrange… et entre eux, de trop caressant… C’est alors que tout se mit en place! J’étais otage des Raëliens. Une panique stupide m’envahit!
L’iPhone n’était pas encore inventé, ma famille ignorait chez quel client je me trouvais… et je demandais que l’on m’appelle un taxi pour regagner mes pénates, un vendredi en début de soirée… ces 3600 secondes me parurent très longues…
Comment avaler de telles fadaises ?
Chemin faisant, je me plongeais dans le bouquin pour découvrir qu’au-delà des extraterrestres et de leurs animaux roses et bleus, plus Bisounours que les Bisounours, de leur système de déplacement dans les airs en appuyant sur la boucle de leur ceinturon, du fait qu’ils ont tous les cheveux longs pour capter du “pouvoir”… Que tous les adultes devaient s’aimer les uns les autres et au plus près… ce qui a nom “méditation sensuelle”… pour accéder à “l’orgasme cosmique”… Que Raël disposait de bataillons d’anges ou Plumes roses, des dames au service des Elohim et surtout, du Maître, dont le physique est, comme par hasard, « un critère important » et qui mettent « au service de leurs Créateurs et de leur Prophète leur beauté intérieure et extérieure », en « veillant sur tous les points à leur confort »… Mais arrivant aux pages où j’appris que c’était aux parents d’enseigner les joies des plaisirs sensuels à leurs enfants… Je ne riais plus du tout!
Le Mouvement Raelien a aussi inventé un système économique nommé le Paradisme, se voulant importer le paradis sur terre grâce à la technologie, en libérant les Hommes de l’obligation de travailler, les remplaçant par des robots, les nanobots (ou nanorobots) et les ordinateurs.
Il est financé par des dons équivalents à 3 % du salaire de ses adeptes et ceux qui souhaitent devenir membres des structures du mouvement (guides, prêtres…) sont invités à payer une cotisation annuelle supplémentaire équivalente à 7 % de leur revenus annuels, soit 10 % en tout, versés au MRI (Mouvement Raëlien International, dont le siège est en Suisse, à Miège, tandis que la fondation raëlienne est sise au Liechtenstein… et une très grande partie du mouvement est installée au Canada.
Par chance, nous étions au terme du dossier, je finissais de prodiguer mes conseils par téléphone, leur échappais pour toujours, au prétexte de gros contrats ailleurs et surtout, refusant de sponsoriser cette secte, je me fis régler sans délais la fin de mes honoraires.
Puisque vous voilà enfin rassurés sur mon sort, soyez aussi rassurés pour d’autres, le mouvement raëlien français n’a plus d’existence (officielle) depuis 2003 et il est sous surveillance de la Mivilude car considéré comme secte dangereuse.
PS En 2003, l’écrivain Michel Houellebecq avait déclaré sa sympathie au mouvement raélien (son roman La Possibilité d’une île en est d’ailleurs inspiré en partie). Ce à quoi les raéliens ont répondu leur satisfaction de voir un intellectuel français reconnaitre les « qualités exceptionnelles » du mouvement.
L’écrivain Michel Onfray s’est par ailleurs vu décerner, en 2006, un satisfecit par le mouvement raélien dont il a été informé par la presse. Sa réponse officielle exprima qu’il ne se sentait pas la moindre affinité avec ce mouvement, le qualifiant de « tribu de demeurés ».
