En un an et demi, ce sont au moins 350 personnes qui ont été tuées au Kenya dans les divers attentats des islamistes de Shebab : 67 dans le centre commercial Westgate de Nairobi (septembre 2013), une bonne centaine dans les raids qui ont ensanglanté les villages de la côte (en juin-juillet 2014), 28 dangereux « intellectuels », c’est-à-dire des enseignants, dans un bus (fin novembre dernier), 147 étudiants au moins sur le campus de l’université de Garissa ce jeudi… Le pays a connu plus de 130 attaques ces dernières années, cela pour le punir de son intervention en Somalie. Tout cela dans l’indifférence générale ou presque. Un petit communiqué de nos présidents et l’affaire est close.
Dix morts à Paris, c’est toute la planète qui défile et se rebaptise Charlie. Des centaines d’Africains froidement exécutés – notamment parce qu’ils sont chrétiens –, c’est un règlement de comptes entre barbares. Et ça, c’est l’expression du racisme bien crasseux de nos médias et de nos politiques, pourtant si prompts, ici, à chasser tous les maux et les mots au suffixe en « isme » et en « phobie ». Ce qu’ils pensent au fond d’eux ? « Que tous ceux-là s’entretuent, ils seront autant de moins à débarquer chez nous ! » La nouvelle, au lendemain du massacre des étudiants de Garissa, fait moins de temps d’antenne que le médicament contre la nausée ou le PV électronique. Qui est bien sûr sans comparaison avec le temps consacré à la météo, aux départs en week-end et au calendrier modifié des vacances scolaires 2015-2016.
Les informations ne sont que le reflet de nos préoccupations et les massacres des Shebab, Boko Haram et autres branches d’AQMI n’en font partie que par raccroc. On a tort et notre aveuglement nous tuera.
Hier, à Garissa, le commando a éliminé tous les non-musulmans. « Nous avons trié les gens et libéré les musulmans. Il y a beaucoup de cadavres de chrétiens dans le bâtiment. Nous en retenons aussi beaucoup qui sont toujours en vie. Les combats se poursuivent à la faculté », a déclaré à l’agence Reuters Cheikh Abdiasis Abou Moussab, porte-parole des forces d’intervention. Autrement dit, ces gens-là tuent tous les chrétiens, mais cela ne fait pas une information à l’antenne. On peut avancer à cela une explication : on nous explique au cours du même journal télévisé que fort peu de gens aujourd’hui savent ce qu’est la fête de Pâques :
« Le Christ ?
– Connais pas.
– La crucifixion ?
– C’est quoi, ça ?
– La résurrection ?
– Ah ! Ah ! Ah !
– Le carême ?
– Jamais entendu parler.
– Mais si, vous savez bien, c’est une sorte de ramadan à la française…
– Ah oui, maintenant que vous le dites… »
Voilà où nous en sommes. Au nom de la laïcité ? Même pas. Au nom de la bêtise, de l’inculture, de la lâcheté, de l’idéologie multiculturelle. Oublions donc notre culture pour faire de la place aux autres. À l’Autre, comme disent les sociologues et les psys. Qu’est-ce qui reste, alors ? La consommation. Et là, les ordures de Shebab et compagnie savent où taper : dans une vidéo de 66 minutes diffusée récemment, cette branche d’Al-Qaïda en Somalie appelle ses membres à « conduire des attaques similaires à celle du Mall Westgate ». « La guerre a à peine commencé », dit leur porte-parole. « Westgate est juste une goutte dans l’océan […] les attaques vont continuer ». Un autre, masqué, lance à ses troupes : « Dépêchez-vous, n’hésitez-pas. » « Si juste une poignée de combattants moudjahidine peut immobiliser le Kenya pendant près d’une semaine, imaginez seulement ce que des moudjahidine dévoués peuvent faire en Occident aux centres commerciaux américains ou juifs à travers le monde » , dit-il en conclusion tandis que s’affichent dans son dos les noms de nos centres commerciaux des Halles et des Quatre Temps à la Défense.
Regardez autour de vous quand vous irez acheter vos chocolats.
Joyeuses Pâques quand même.