Un hôtel particulier en “pièces détachées” remonté à Paris !

(Photo: Plafond peint par Antoine Coypel et décors de l’ancienne Chancellerie d’Orléans conservés par la Banque de France à Asnières(©Luc Castel/WMF Europe)

 

Stockés dans des caisses depuis 1923, les décors de la Chancellerie d’Orléans, bâtiment du XVIIIe, devraient être réinstallés en 2015. Un édifice offrant une configuration similaire devrait les accueillir.

 Détruit il y a près de cent ans, l’hôtel particulier Voyer d’Argenson, autrefois un des plus beaux de Paris, s’apprête à vivre une nouvelle vie, totalement inédite: il va être partiellement reconstitué, en plein cœur de la capitale.

En 1923, la Banque de France, voulant s’étendre, rasa cet édifice du XVIIIe siècle, connu sous le nom de Chancellerie d’Orléans. Devant le tollé, elle fit tout de même démonter les somptueux décors intérieurs, les stocka dans 140 caisses et promis de les remonter un jour, quelque part. Aujourd’hui, grâce à une poignée d’investisseurs privés, les décors du XVIIIe, dont un plafond de l’artiste Coypel, sont actuellement restaurés dans un immense atelier, à Montreuil-sous-Bois, près de Paris. Et si tout se passe selon le calendrier annoncé, les Parisiens pourront à nouveau ­visiter cette «néo-chancellerie» en 2015.

L’homme lige, dans cette histoire, s’appelle Bertrand du ­Vignaud. Ancien de Christie’s, actuel président du World Monuments Fund Europe (WMF), il porte ce dossier à bout de bras depuis dix-sept ans. C’est lui qui eut l’idée maîtresse de son dénouement: celle de remonter les décors dans un autre hôtel particulier parisien du XVIIIe siècle, l’hôtel de Rohan-Strasbourg. Propriété des Archives nationales, ce dernier correspond pièce par pièce aux anciennes dispositions de la Chancellerie d’Orléans, «y compris dans son orientation», précise Bertrand du Vignaud. Vide depuis le déménagement des Archives à Pierrefitte-sur-Seine, l’hôtel de Rohan-Strasbourg se cherchait, par ailleurs, un destin.

Des millions d’euros en jeu

Pendant longtemps, Bertrand du Vignaud a dû se battre contre l’inertie et le manque d’intérêt ambiant. Mais, à force de frapper à toutes les portes, muni d’une fidèle maquette de la Chancellerie, il a fini par rallier à sa cause des mécènes, la Banque de France, un architecte des Bâtiments de France, la direction des Archives de France et le ministère de la Culture. En 2011, la Banque de France – sans doute heureuse d’être débarrassée d’une épine dans le pied – et Frédéric Mitterrand signèrent un accord avec le WMF, laissant le soin des 140 caisses à ce dernier.

Depuis, l’enfer de cette entreprise si particulière se niche dans les détails. Tout coûte, bien sûr, et il faut à chaque étape -inventaires des décors, construction de la maquette, déménagements des caisses, emploi d’une dizaine de restaurateurs…- convaincre et trouver des financeurs. En tout, plusieurs millions d’euros sont en jeu. Il faut par ailleurs parvenir à respecter les règles imposées par les Monuments historiques, soucieux de la doxa patrimoniale. En dernière ligne droite, il est par exemple apparu que le décor de l’ancien salon de la Chancellerie était légèrement plus haut que les murs du salon de l’hôtel de Rohan-Soubise. Que faire? «On va trouver une solution pour ces quelques centimètres», affirme Bertrand du Vignaud, avec la foi du charbonnier.

La Chancellerie reconstituée -cinq pièces- occupera le rez-de-chaussée de l’hôtel de Rohan. À l’étage, d’autres décors déjà présents, dont une chinoiserie de Huet, permettront de former un ensemble digne d’une visite, en plein quartier du ­Marais.

Source

Related Articles