Marguerite Audoux est bien oubliée aujourd’hui. La sortie de Marie-Claire fut pourtant un évènement littéraire en 1910. Le livre obtint le Prix Femina et fut traduit dans toute l’Europe.
La vie de cette petite orpheline dans la Sologne de la fin du XIXè siècle est racontée avec simplicité et talent. Dans un pensionnat de religieuses tout d’abord puis dans un ferme où elle a été placée comme bergère. C’est plein de charme, de mélancolie aussi mais si bien écrit.
Le deuxième tome se passe à Paris dans un atelier de couture. Cette fois c’est la vie des petites ouvrières parisiennes qui est racontée au jour le jour. On retrouve le même talent de conteur, sans embellissement mais sans misérabilisme non plus. La pauvreté y est digne et l’on partage les joies et les peines de chacune avec tendresse. Nous sommes loin du fracas souvent sordide de Zola et c’est bien ainsi.
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Marguerite Donquichote naît à Sancoins, dans le Cher, le 7 juillet 1863. À l’âge de trois ans, elle perd sa mère, et son père abandonne ses filles. Marguerite et Madeleine (l’aînée), d’abord confiées à une tante, passent neuf années à l’orphelinat de l’Hôpital général de Bourges. De 1877 à 1881, Marguerite est placée, en tant que bergère d’agneaux et servante de ferme, en Sologne à Sainte-Montaine, près d’Aubigny-sur-Nère. Les deux dernières années de cette période sont marquées par la rencontre d’Henri Dejoulx, avec qui la jeune fille vit un amour payé de retour, mais auquel la famille d’Henri, par peur d’une mésalliance, met un terme.
L’orpheline s’établit alors à Paris, où elle vit des années noires en exerçant le métier de couturière. Le chômage la contraint de faire d’autres travaux pénibles, à la Cartoucherie de Vincennes et dans la buanderie de l’Hôpital Laennec. Pendant ces années de misère, en 1883, elle a un enfant qui ne survit pas, et dont l’accouchement pénible lui vaut une stérilité définitive.
À la même époque, sa sœur Madeleine lui laisse sa fille Yvonne, que la future romancière élève, en dépit des difficultés financières auxquelles elle est confrontée. C’est précisément cette nièce qui, sans bien sûr en avoir conscience, va favoriser la carrière littéraire de sa mère adoptive : la jeune fille volage, à seize ans, se prostitue, à l’insu de sa tante, dans le quartier des Halles de Paris ; or, un jeune homme, qui ignore également le commerce auquel elle s’adonne, s’éprend d’elle. C’est Jules Iehl, alias Michel Yell en littérature, un ami d’André Gide. Quand il prend conscience de la situation, il va voir la tante, avec qui il se console si bien que leur relation ne prendra fin qu’en 1912. Yell fait rencontrer à son amie un groupe d’intellectuels, écrivains et artistes, parmi lesquels figurent Charles-Louis Philippe, Léon-Paul Fargue, Léon Werth et Francis Jourdain.
Michel Yell découvre que celle avec qui il partage ses jours (et qui, dès 1895, a définitivement adopté le nom de sa mère : Audoux) a écrit ses souvenirs, et d’une fort jolie façon. Il trahit le secret auprès de ses compagnons de route, qui constituent le « groupe de Carnetin », du nom du village à l’est de Paris où ils se réunissent chaque dimanche de 1904 à 1907. Francis Jourdain, dont le père, l’architecte Frantz Jourdain, est un ami d’Octave Mirbeau, va trouver l’auteur du Journal d’une femme de chambre. Celui qui règne en maître dans la République des Lettres est alors dépressif, et fait comprendre au jeune peintre qu’il n’est, pour l’heure, plus prêt à défendre quiconque. Il prend cependant le manuscrit, commence à le lire, et ne le termine avec enthousiasme que pour aller l’imposer aux éditeurs.
C’est donc à Octave Mirbeau que la couturière des lettres doit ce véritable coup d’État du 2 décembre 1910 : le Prix Femina que l’on décerne à l’ancienne bergère pour son roman intitulé Marie-Claire, dont les ventes dépassent les cent mille exemplaires. Il est traduit en allemand et en anglais, ainsi qu’en esperanto, en russe, en catalan, en suédois, en espagnol, en danois, en slovène.
Le second livre ne paraît que dix ans plus tard, après le départ de Michel Yell et la mort d’Alain-Fournier, le fils spirituel de la romancière, puis celle d’Octave Mirbeau, et au moment de l’adoption des trois fils d’Yvonne. L’Atelier de Marie-Claire, paru en 1920, rencontre un certain succès, mais le tirage à douze mille exemplaires le place cependant loin derrière le best-seller dont il constitue la suite. C’est le début d’un lent decrescendo. Elle publie néanmoins De la ville au moulin en 1926, puis La Fiancée, un recueil de contes digne d’intérêt que Flammarion édite en 1932, et enfin Douce Lumière, roman posthume qui sort fin 1937. La romancière, décédée le 31 janvier de cette même année, est inhumée à Saint-Raphaël, où l’amoureuse de la mer a terminé son existence. (Wikipédia)