Raphaël Delpard, écrivain, scénariste et cinéaste bien connu, a consacré la deuxième partie de son œuvre à se pencher sur les souffrances occultées : des femmes de poilus aux Justes, des Juifs aux déportés sous l’Occupation, des pieds-noirs aux chrétiens d’Orient… Voici qu’il nous offre une enquête sur la condition paternelle face au juge. Même si on connaît des cas de mères dénaturées, le lien mère/enfant semble être, de prime abord, plus charnel, inné. À l’état de nature – à quelques exceptions près (tel l’émouvant manchot) -, le père est un géniteur de passage, qui se désintéresse de sa progéniture ; quand il ne lui est pas franchement hostile.
Mais l’humaine condition, la monogamie celtique puis chrétienne ont investi le père d’une dignité et d’un rôle graves, aussi importants, parfois plus selon l’âge de l’enfant, que celui de la mère. Certes, il existe aussi des pères dévoyés mais ils sont tout aussi minoritaires que chez les mères. Protecteur, rassurant, dévoué, calme et fort, transmetteur de tradition et d’exemple : c’est l’image du Joseph des chrétiens, modèle de père adoptif et donc de tout père. Il existe, certes, des familles monoparentales ou recomposées remarquables, mais chacun comprend sans peine que les enfants, notamment les garçons, ont besoin d’une belle présence masculine à la maison.
Or, dans ce cadre que l’on aurait pu espérer confidentiel et pudique, le juge fait irruption à l’occasion du divorce. Delpard se fait enquêteur et constate que la garde des enfants est attribuée, dans 80 % des cas, à la mère. Ce qui est une timide évolution favorable car, des décennies auparavant, la proportion était de 95 %. Après avoir rencontré des familles en souffrance, des pères, des avocats, des juges, des sociologues, des pédopsychiatres, des associations, Delpard constate à la fois la terrible déchirure que la Justice provoque souvent entre le père et son enfant (ce qui meurtrira et le père et l’enfant, parfois jusqu’à l’irréparable) et l’incertain combat des pères qui tentent de sauver leur condition paternelle. Des dizaines de livres ont été consacrés à cette question du déchirement familial, de l’absence du père éloigné par le jugement, ou de la fuite-enlèvement de l’enfant par la mère.
Delpard étudie des cas concrets et ouvre le débat sur les mensonges des époux, la médiation, le rôle des experts et la résidence alternée. Ce livre-enquête présente aussi les pistes de solutions qui pourraient permettre aux pères de vivre leur paternité et aux enfants d’avoir une enfance équilibrée. Car la chirurgie judiciaire, souvent brutale, surinfecte un mal familial latent. Chaque époux pensant trouver un allié dans le juge lâche ses coups. Les avocats qui assistent les époux avant, pendant et, souvent, durant des années après divorce le savent bien mieux que la Justice, insensible et pressée.