Les dirigeants de la Caisse des dépôts, gestionnaire notamment de 60% de l’épargne des Français, et le pouvoir exécutif auraient-ils perdu de vue l’intérêt général ? Entre opacité et gabegie, deux journalistes de l’hebdomadaire Le Point dénoncent dans une enquête des dérives au sein de l’institution bicentenaire. “On ne dénonce pas la Caisse en tant que telle, c’est un outil légitime pour l’économie, mais il faut de la transparence, les comportements doivent être vertueux quand on a la chance d’appartenir à une institution qui sert l’intérêt général”, estime Romain Gubert, l’un des deux auteurs avec Sophie Coignard, de “La Caisse”, auprès de l’AFP.
Fil rouge du livre: la difficile équation à laquelle est confrontée la CDC, bras armé financier de l’Etat tout en étant statutairement indépendant du pouvoir exécutif.
Soumise au contrôle du Parlement, la Caisse, qui gère notamment plus de 60% des encours du Livret A et la retraite d’un Français sur cinq, est aussi financièrement autonome.
Largement contées, les pressions directes du politique sur l’institution publique financière sont passées en revue. A l’instar du dossier de financement de la Cité du Cinéma, projet d’Hollywood à la française de Luc Besson, qui a fini par aboutir malgré un refus initial de la Caisse, à force de “tympaniser la direction générale jusqu’à ce que l’on change d’avis”, explique Sophie Coignard à l’AFP.
Pour la CDC, interrogée par l’AFP, “ce livre comporte de nombreuses inexactitudes et confusions qui portent préjudice à (son) image”.
Parmi les éléments contestés par la Caisse figurent notamment le coût de l’entretien du jardin de son bâtiment principal, l’hôtel de Pomereu (10 fois moins élevé, selon la CDC, que ce qu’avancent les auteurs de l’enquête) ou encore le niveau du salaire moyen au sein de l’institution (4.480 euros au lieu des 5.000 indiqués par les auteurs).
La Caisse des dépôts est devenue actionnaire de la maison de disques en difficulté de Carla Bruni”
La Caisse c’est le dernier livre de Sophie Coignard et Romain Gubert. Les deux auteurs dénoncent les arrangements entre la Caisse des dépôts sur laquelle les Français déposent leur argent, et l’exécutif, c’est-à-dire l’Elysée.
Depuis 1816, les deux tiers de ce que nous déposons sur tout les livrets réglementés, comme le livret A, sont gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ce qui représente environ 250 milliards d’euros, servant à financer de grands projets urbains.
Invité de Radio Brunet, Sophie Coignard, auteur du livre La Caisse, l’affirme: notre argent est en danger. La Caisse des dépôts, censée être indépendante, a, par exemple, régulièrement assuré des financements, voir des pertes, en lieu et place du Trésor Public, de certaines collectivités, voir du secteur privé. Ce serait aussi “la caisse des copains comme pour d’anciens étudiants de l’ENA”.
Pour finir, les dérives de gestion de la Caisse elle-même comme les notes de frais, les voitures de fonctions, les primes et les salaires exorbitants ont attiré l’attention de Sophie Coignard.
“La Cité du cinéma est un dossier qui a été refusé par les banques et la Caisse des dépôts. Or, il se trouve que Luc Besson était très en cour à l’Elysée du temps de Nicolas Sarkozy, par l’intermédiaire d’un de ses associés, qui est décédé récemment et qui s’appelle Christophe Lambert. L’Elysée appelle la Caisse des dépôts pour lui demander de réexaminer le dossier. Le directeur de l’époque fait valoir que, pression ou pas, il aurait pris ce dossier parce qu’il était indispensable pour créer de l’emploi en Seine-Saint-Denis. Dans ce cas là, on se demande pourquoi, par deux fois, elle avait refusé ce dossier. Mais on peut aussi se demander pourquoi la Caisse des dépôts est devenue actionnaire d’une maison de disque, Naïve, qui était la maison de disques en difficulté de Carla Bruni…”