Les islamistes brûlent plus de 2000 livres!

Lorsque les combattants de Daesh ont envahi Mossoul dans le courant du mois de janvier, ils se sont notamment focalisés sur la bibliothèque centrale de la ville, selon AP, qui s’appuie sur les déclarations de témoins. Ils auraient brûlé au moins 2.000 livres d’histoire, de philosophie, de poésie ou traitant de la santé. Des cartes et des livres datant de l’Empire Ottoman ont notamment été détruits dans des feux géants. Mais les textes faisant référence à l’Islam ont été épargnés.
«Ces livres incitent à l’infidélité et appellent à la désobéissance à Allah. Alors, ils seront brûlés», aurait déclaré un combattant de Daesh cité par un témoin qui a préféré garder l’anonymat.
D’après un professeur d’histoire, les bibliothèques publiques de Mossoul et d’autres institutions ont été détruites le mois dernier.
Un des dirigeants du Comité de la sécurité et de la défense du Parlement a comparé les actes de ces combattants de Daesh aux raids des mongols, en 1258, qui ont saccagé Bagdad. «La seule différence est que les Mongols ont jeté les livres dans le fleuve Tigre, tandis que maintenant Daesh les brûle», a expliqué à AP Hakim al-Zamili. D’après lui, Daesh considère «la culture, la civilisation et la science comme de féroces ennemis».

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Cet autodafé n’est malheureusement pas le premier. L’histoire de l’humanité est jalonnée par la destruction des livres. «Là où l’on brûle les livres, on finit par brûler des hommes», disait l’écrivain et poète Heinrich Heine. Car, les livres, comme les biens culturels, sont bien plus que des symboles, ils représentent l’ouverture au monde, la diversité des cultures et des civilisations, des savoirs, les connaissances et les doutes. Tout le contraire d’une idéologie bornée qui veut imposer son point de vue unique.
Dans un livre passionnant titré Histoire universelle de la destruction des livres (avec un sous-titre où il était déjà question d’Irak: De l’anéantissement des tablettes sumériennes aux destructions de bibliothèques en Irak, publié chez Fayard), l’auteur Fernando Baez rappelle cette triste et constante histoire qui remonte à l’anéantissement des tablettes sumériennes, il évoque le saccage des grands classiques grecs, l’obsession d’«uniformité» de l’empereur chinois Shi Huangdi, les papyrus brûlés d’Herculanum, les abus de l’Inquisition, la censure d’auteurs tels que D.H. Lawrence, James Joyce ou Salman Rushdie, les autodafés des nazis… On en passe et des pires. Ce livre fort instructif démontre que, loin d’être détruits par ignorance, les livres sont anéantis par volonté d’effacement de la mémoire et de l’histoire, c’est-à-dire de l’identité des peuples. Un peu comme les Staliniens effaçaient des visages de certaines photographies, pour réécrire l’Histoire à leur manière.
Pourquoi brûle-t-on les livres?

La question peut paraître simpliste mais elle a un sens. En effet, pourquoi les intégristes brûlent-ils les livres et ne se contentent-ils pas de les jeter à la poubelle, d’y mettre de l’acide ou de les enterrer, le résultat étant le même? «Parce que c’est une manière exemplaire, impressionnante de manifester sa haine de la culture», explique au Figaro François Boespflug, professeur émérite à l’université de Strasbourg, spécialiste de l’histoire comparée des religions. Et de souligner: «Brûler des livres sur la place publique, c’est renouer avec une certaine idée d’une cérémonie sacrificielle. On signifie par là qu’on brûle l’impureté, qu’on tend à la purification des esprits. Et, bien sûr, on choisit les livres éducatifs et scientifiques qui, selon eux, pervertiraient la notion de puissance divine.» François Boespflug ajoute que brûler plus de 2000 livres comme l’aurait fait l’État islamique à Mossoul est une manière spectaculaire de démontrer sa puissance.
Sans remonter à l’Inquisition, voici quelques exemples d’autodafés.

● 2013: les manuscrits de Tombouctou
En janvier 2013, dans le nord du Mali, des islamistes tentent de brûler les précieux manuscrits de Tombouctou. Parmi les intégristes, on retrouve pêle-mêle, les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et des groupes d’Aqmi, al-Qaida au Maghreb islamique qui considèrent comme «impies» la centaine de milliers de manuscrits uniques datant de plusieurs siècles écrits en arabe et en peul, trésor de l’humanité puisque classés par l’Unesco au patrimoine mondial. Grâce à l’intervention d’institutions et de femmes et d’hommes de bonne volonté, près de 90 % de ces manuscrits seront sauvés et numérisés pour beaucoup d’entre eux.

● 2010: le Coran et l’évangéliste
Le 11 septembre 2010, jour anniversaire des attentats du World Trade Center, un pasteur évangéliste met le feu aux poudres en brûlant publiquement un Coran. Au nom de la liberté d’expression, les autorités américaines ne peuvent rien faire contre cet homme. Partout dans le Moyen-Orient ont surgi des réactions de colère, avec des drapeaux américains brûlés lors de manifestations.

● 1998: les talibans détruisent 55.000 livres rares
En Afghanistan, en 1998 et durant trois ans, les talibans, après avoir vandalisé des statues de Bouddha, s’attaquent à la destruction systématique de plus de 55.000 livres rares et de grande valeur historique. Ils ne préservent que des textes coraniques.

● 1992: le «mémoricide» de la Bibliothèque de Sarajevo
En août 1992, la Bibliothèque nationale et universitaire de Sarajevo est complètement détruite. D’après Bernard Gauthier, cet établissement possédait environ un million de volumes, dont 150.000 livres rares et manuscrits, ainsi que des collections irremplaçables de périodiques bosniaques (33.000 titres). Dans le Bulletin des bibliothèques de France, Gauthier raconte que La bibliothèque a brûlé pendant trois jours, du 25 au 28 août, après avoir été prise pour cible par les extrémistes serbes assiégeant la ville. Des employés de la bibliothèque et des volontaires sont parvenus à sauver un certain nombre de livres précieux, malgré les tirs des snipers, qui ont mortellement touché une bibliothécaire. Seuls 10 % des collections ont échappé à cette destruction; les catalogues imprimés et sur fiches, les systèmes informatiques ont également disparu. «Ainsi, un ensemble inestimable de documents témoignant du patrimoine et de l’histoire commune des différentes communautés bosniaques a été anéanti», explique Bernard Gauthier dans le Bulletin des bibliothèques de France. Et d’ajouter: «La destruction de la Bibliothèque nationale et universitaire de Sarajevo est devenue le symbole de la dévastation systématique du patrimoine bosniaque. Car cet anéantissement n’est que l’élément le plus spectaculaire de ce que l’on a pu dénommer un ‘mémoricide’.»

● 1933: le premier autodafé nazi
Dès 1933, tous les livres contraires à «l’esprit nazi» ont été brûlés dans plusieurs bibliothèques allemandes, d’abord à Berlin, puis dans d’autres grandes cités (Munich, Nuremberg, Hanovre…). Parmi les auteurs honnis, Sigmund Freud, Karl Marx, Stefan Zweig, Erich Maria Remarque, Albert Einstein,… Le site Herodote.net rappelle que le 10 mai 1933 au soir, à Berlin, des étudiants nazis ont brûlé deux camions de livres, soit 20.000 ouvrages qualifiés «d’écrits juifs nuisibles». Joseph Goebbels, ministre de la Propagande du Reich, était présent. D’autres manifestations de ce genre étaient planifiées partout dans le pays. Toute la culture était visée. Notamment les œuvres des artistes dits «dégénérés», tels Van Gogh, Picasso, Matisse, Cézanne et Chagall, sont bannies des musées.

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