Les détestateurs de détestateurs sont très nombreux ; puissants, et assez malins. Leur objectif est de faire croire que la phobie serait une infraction pénale.
Si la phobie est la détestation de choses, de religions, de peuples ou de personnes, la phobophobie est la détestation dirigée contre ceux qui détestent certaines choses ou personnes, ou peuples ou religions…En quelque sorte l’arrosage des arroseurs d’arroseurs, si l’ont veut. Ou encore l’auto-permission de haïr ceux qui haïssent.
Les détestateurs de détestateurs sont très nombreux ; puissants, et assez malins. Leur objectif est de faire croire que la phobie serait une infraction pénale, sinon – pire – un péché contre ce dieu unique qu’est la pensée unique… Un interdit, un tabou, un «touch-pacaca»… On a vu apparaître ainsi comme autant de ces nouveaux péchés capitaux : la xénophobie, l’homophobie, l’islamophobie, l’arabophobie, l’europhobie. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe aussi bien d’autres péchés en « isme » cette fois-ci, comme l’antisémitisme, le sexisme, et ces choses mystérieuses qui méritent bien sans nul doute – tant qu’à faire – une petite exclusion, un bannissement, comme le populisme, le souverainisme. Quant aux anathèmes du passé (fasciste, réactionnaire, bourgeois, capitaliste, calotin, jaune), ils sont bien dépassés, à présent, rangés désormais comme des fleurs séchées dans un vieux grimoire, et dont on ne discerne même plus la couleur, ou dont le sens est oublié.
Non, décidément, si vous voulez faire sérieux dans une manif ou un média, une tribune électorale, rien ne vaut la phobophobie. En un seul et même mot magique, vous apparaîtrez comme le bon qui a raison et votre adversaire comme le méchant qui a tort. Quelle merveille ! Quelle jubilation à moindre coût. Hocus Pocus : plus fort que Harry Potter et Willow.
Car le trait de génie de la phobophobie, c’est que tout le monde croit que celui qui est désigné du bout de la baguette dont la foudre surgit a commis une infraction pénale ; et sur un plateau de télé, c’est radical : craignant d’être transformé en grenouille ou d’être menotté sous les sunlights, le simple mortel se dessèche sous la menace brandie, fulminée… Certains, d’ailleurs, seront licenciés, privés d’éditeur, d’autres poursuivis par une fatwa et escortés tout le reste de leur vie par des policiers, ou traînés en justice, avec toute la honteuse incertitude qui en résulte… Les associations phobophobes tiennent le haut du pavé moral, la spécialité judiciaire d’avocats prospère, la presse dénonce… les politiciens qui en vivent (bien), éructent (et exultent en tapinois)…
Or, en démocratie, on doit pouvoir tout dire. M. Hollande avait, certes, avant que de se convertir tardivement à la Charlidoxie, lui-même cédé à la Charliphobie par des manœuvres que l’on connaît bien à présent, et versé des larmes de lézard (trop petit pour des larmes de crocodile…). Maintenant, il faut libérer totalement la pensée et pas seulement la caricature, qui est à la pensée ce que le chewing-gum est à la morille ou au foie gras.
Il est parfaitement licite d’être islamistophobe, et même de critiquer toute religion, islam ou catholicisme (ce fut la raison d’être de l’orthodoxie, puis du protestantisme), dès lors que vous n’incitez pas votre lecteur ou votre auditeur à violenter le religionnaire : l’Occident s’est construit comme cela, dans la critique des théories et des religions.
Il est parfaitement licite d’être xénophobe si vous entendez par là que vous n’avez jamais souhaité un tel niveau d’immigration, que vous estimez que l’on doit réfléchir, décider démocratiquement sur ce sujet, invoquant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dès lors que vous ne remettez pas en cause les droits des étrangers déjà naturalisés ou séjournant régulièrement.
Il est parfaitement licite de discuter le bien-fondé du mariage homosexuel, de l’adoption par des couples homosexuels, dès lors que vous ne pénalisez pas leurs mœurs et que vous leur reconnaissez le droit de vivre dignement leur amour dans un cadre stable, protecteur et reconnu par la loi et la société…
Mais devra être absolument illicite le fait de faire des procès d’intention, comme le grand Inquisiteur, pour proscrire quiconque serait suspecté d’une « phobie » aussitôt caractérisée d’infraction à la police de la pensée, alors que s’exprime simplement une opinion, un désaveu ou une désapprobation contre telle ou telle opinion, théologique, familiale, sociale, nationale. Libérons le sain débat, la libre pensée, respectueuse mais totale : bannissons à jamais la phobophobie.
Lu sur Boulevard Voltaire