Comment aborder la question des migrations sous un angle chrétien, en se gardant des écueils de l’angélisme ou de la dureté de cœur ? La question migratoire est, qu’on le veuille ou non, une réalité quotidienne, et l’ignorer est passablement suicidaire. Se couvrir les yeux pour ne pas avoir à s’engager est une forme de lâcheté aussi méprisable qu’irresponsable.

Le clergé français adopte, sur ce sujet, une attitude majoritairement irénique. En répétant à temps et à contretemps que l’immigré doit être accueilli sans réserve, en refusant tout autre débat sur l’islam autre que le sempiternel dialogue interreligieux, il se coupe des préoccupations de la population en général, et des fidèles catholiques en particulier, qui comprennent bien, eux, que la situation actuelle est intenable, quel que soit l’angle sous lequel on la regarde.

Le pape François a souvent surpris, en tenant des propos que certains ont applaudis à deux mains, mais qui ont profondément choqué les autres. Ce faisant, il provoque un malaise dont il serait insensé d’ignorer la cause et les conséquences. Un jour prêchant l’ouverture totale des frontières, un autre rappelant la doctrine traditionnelle de l’Église, le pape argentin donne l’impression – à tort, peut être – de ne pas comprendre la réalité européenne, puisque c’est bien de l’Europe qu’il s’agit quand on évoque les flux migratoires massifs.

Le cardinal Robert Sarah, considéré comme un conservateur au sein de la Curie, n’a pas sa langue dans sa poche. Guinéen, archevêque de Conakry, nul ne peut lui faire de procès en racisme, en colonialisme ou en méconnaissance de la situation subsaharienne. Africain de l’Ouest, il a une riche expérience de la cohabitation entre chrétiens et musulmans. Et la leçon qu’il a donnée aux Polonais sur ce sujet a l’immense mérite de la clarté, de la nuance et de la charité dans la fermeté.

Lors d’une conférence prononcée le 22 octobre à Varsovie, invité par le mouvement Europa Christi, le cardinal a commencé par dénoncer la cause du phénomène : « Ainsi la Pologne montre-t-elle le chemin lorsqu’elle refuse de se plier automatiquement à certaines injonctions portées par la mondialisation libérale. Telle est la logique des flux migratoires que certains voudraient aujourd’hui lui imposer. »

Voilà pour la dénonciation d’un système qui nie l’identité de chaque nation au profit d’une vision purement individualiste de la personne. Les papes n’ont jamais rien dit d’autre. Puis vient la question de l’accueil : « Tout migrant est certes un être humain à respecter dans ses droits, mais les droits humains ne sont jamais déconnectés des devoirs correspondants. » Et pan ! pour les agneaux bêlants qui dédouanent le réfugié de toute responsabilité envers le pays d’accueil.

« Le migrant, surtout s’il est d’une autre culture et religion et qu’il participe à un considérable mouvement de population, n’est pas un absolu relativisant le droit naturel et le bien commun des peuples. Chaque homme a d’abord le droit de rester vivre dans son pays. »

Voici des propos fermes et équilibrés. Nul rejet du migrant, nulle contemplation béate d’un phénomène de masse qui met en péril l’équilibre des sociétés européennes. Et le prélat de conclure : « Il s’agit de coopérer ardemment au développement intégral des peuples touchés par la guerre, la corruption et les injustices de la mondialisation. Et non pas d’encourager le déracinement des individus et l’appauvrissement des peuples. »

Tout est dit. Discernement dans la charité, fermeté dans la vérité, justice et lucidité. De quoi convaincre ceux qui critiquent l’Église que celle-ci sait tenir un discours conforme à sa vocation. Que ceux qui ont des oreilles entendent…

François Teutch – Boulevard Voltaire