La chapka de Monomaque…

Le luxe et l’opulence de la cour des gouvernants de la Russie ont de tout temps étonné les étrangers. Aussi, l’ambassadeur anglais en Russie Carlyle décrivait au XVIIe siècle ses impressions sans dissimuler ses émotions : « Il nous est arrivé ce qui arrive à ceux qui sortent des ténèbres pour s’exposer à un soleil éblouissant. C’est à peine si nos yeux pouvaient supporter l’éclat de la cour du tsar de Russie qui brillait d’une multitude de pierres précieuses ». La chapka de Monomaque, symbole du pouvoir autocrate, était un des grands attributs des grands princes et des tsars de Moscou.

Ce couvre-chef crée à la charnière du XIIe et du XIVe siècles se composait de 8 plaquettes d’or ornées de grosses perles, de rubis et d’émeraudes. La chapka a une bordure en zibeline et est surmontée d’une croix en or. Le tsar ne mettait la chapka qu’une fois, le jour de sa montée sur le trône et par la suite chaque souverain était sacré par sa couronne propre. Les historiens sont toujours partagés en ce qui concerne les origines de la chapka de Monomaque. Elle aurait été confectionnée en Byzance ou en Asie Centrale, à en juger par sa forme et ses motifs.
Une légende apparue au XVe siècle fait croire que la chapka aurait été envoyée par l’empereur de Byzance Constantin Monomaque à son petit-fils, le grand prince Vladimir de Russie. C’est pour cette raison qu’elle porte le nom de Monomaque. Pourtant, cette version est très controversée. En effet, Constantin est mort en 1055, quand Vladimir n’avait que deux ans pour ne devenir grand prince qu’à l’âge de 56 ans. De plus, il n’existe aucune mention de la chapka de Monomaque dans les documents historiques jusqu’au XIVe siècle. C’est seulement en 1328 que « la chapka en or » est mentionnée dans une chartre du prince de Moscou Ivan Kalita. Elle devient depuis une relique d’État et se transmet d’un souverain à l’autre. De nombreux historiens supposent qu’elle avait été offerte au prince de Moscou par le khan Ouzbek de la Horde d’or. Pourtant, le nom de l’empereur de Byzance est resté pour toujours associé à ce couvre-chef précieux.
En 1498, le grand prince de Moscou Ivan proclame son petit-fils Dimitri son successeur. Le jeune homme devient le premier prince couronné avec la chapka de Monomaque. Ivan III voulait unir sous son sceptre les principautés russes éparses. C’est pour cette raison que la cérémonie de couronnement faisant intervenir cette relique historique avait un sens emblématique pour le souverain. En effet, la chapka de Monomaque faisait du prince de Moscou et de sa dynastie le premier des princes russes. C’est dans la grande cathédrale du Kremlin de Moscou, en présence des boyards, du clergé et d’une foule de gens du peuple qu’Ivan III mit la chapka précieuse sur la tête de Dimitri et c’est devenu une tradition depuis.
En 1682, les frères du tsar Fédor Alexéevitch mort sans descendance Ivan et Piotr deviennent candidats au trône. Mais ils ne pouvaient gouverner le pays car Ivan tait gravement malade et Piotr n’avait que 10 ans. Les partisans des deux tsarévitchs ont engagé une âpre lutte en défendant le droit au trône pour le candidat de leur choix. Soucieux d’éviter la division de l’élite politique nationale et de mettre fin aux intrigues qui se tramaient à la cour, les boyards ont décidé de mettre sur le trône les deux souverain à la fois. Mais, comme il n’y avait qu’une seule chapka de Monomaque, il a fallu en faire une copie.

Les deux couvre-chefs sont actuellement conservés au Palais des armures du Kremlin de Moscou. Ivan et Piotr, devenus par la suite empereur Pierre Premier, étaient les derniers souverains russes couronnés avec la chapka de Monomaque parce que leurs successeurs étaient déjà sacrés avec la Grande Couronne Impériale. Plus près de nos jours, en 2002, les joaillers russes ont confectionné une copie de plus de la chapka. Ils ont voulu l’offrir à l’administration de la présidence russe. La chapka moderne est en tout point semblable à l’original est évaluée à environ 50 000 dollars parce qu’une partie des pierres était fausse. Or, ce cadeau a été rejeté parce que le chef d’un État démocratique n’était pas supposé porter ce symbole du pouvoir monarchique. On ignore ce qu’est devenu le présent mal avenu. Officieusement. Il a été vendu aux enchères à un acheteur anonyme et le produit de cette vente aurait été versé dans un fonds pour enfants.

Source

Related Articles