Dans un article d’opinion dans le New York Times, le journaliste et auteur algérien Kamel Daoud souligne l’influence de l’Arabie Saoudite sur l’Etat islamique. Daoud remet en question la relation amicale entre le royaume et l’Occident, en raison des liens ambigus des Saoudiens à l’égard de l’organisation terroriste : “Daesh noir, Daesh blanc. Le premier égorge, tue, lapide, coupe les mains, détruit le patrimoine de l’humanité, et déteste l’archéologie, la femme et l’étranger non musulman. Le second est mieux habillé et plus propre, mais il fait la même chose. L’Etat islamique et l’Arabie saoudite.”
L’Occident est donc en guerre contre l’un, tout en gardant des relations amicales avec l’autre, faisant abstraction de leur point commun: le wahhabisme, un islam ultra-puritain, qui nie les droits des femmes, impose une loi religieuse extrême dans laquelle l’art et la liberté sont prohibés, et un rapport au corps “maladif”, et sur lequel se fonde Daesh. “L’Arabie saoudite est un Daesh qui a réussi”, synthétise-t-il.
“Le déni de l’Occident face à ce pays est frappant: on salue cette théocratie comme un allié et on fait mine de ne pas voir qu’elle est le principal mécène idéologique de la culture islamiste”, ajoute-t-il.
Un phénomène que l’islamologue belge converti à l’islam Michael Privot, a confirmé, affirme le journal français Libération.
Selon lui, la pensée salafiste est profondément enracinée dans la population musulmane de Bruxelles. Depuis le début des années 1960, l’Arabie Saoudite a financé l’ouverture de la Grande Mosquée et d’un centre culturel islamique. L’Arabie Saoudite nomme ses officiers et répand le wahhabisme, c’est à dire un islam ultra-orthodoxe développé à partir du VIIe siècle. Les Saoudiens donnaient aux jeunes musulmans belges des bourses pour aller étudier dans les universités de Médine. Des documents de Wikileaks ont révélé que la Belgique exprimait déjà son inquiétude en juin 2012 auprès des Saoudiens concernant l’intégrisme qui régnait à l’intérieur de la Grande Mosquée.
Le compte Facebook de Marc Ernst nous donne accès à une pièce de l’auteur Thierry Debels, qui souligne les liens étroits entre la Belgique et la Maison des Saoud. A l’origine de cette amitié, le Roi Baudouin: “L’histoire de cette mosquée est intéressante. Après l’incendie de l’Innovation en 1967, le prédécesseur de Khaled, le roi Fayçal, a offert une grosse somme d’argent aux victimes. Il a annulé un dîner d’Etat et versé l’argent dans un fonds spécial. En retour, il a reçu de Baudouin un bail de la Mosquée du Parc du Cinquantenaire. Ce bâtiment est un restant de l’exposition Universelle de 1897: le panorama du Caire.
L’année suivante, Fayçal a décidé que son pays se chargerait entièrement du financement de la construction et de la rénovation de ce nouveau centre islamique et culturel en Belgique, et que celui-ci servirait de ‘Phare de l’lslam en Europe’.
Le gouvernement belge considère aussi ce centre comme la représentation de l’islam et des musulmans de la Belgique.
Selon des observateurs critiques, l’Arabie Saoudite a reussi à exporter le wahhabisme* en Belgique grâce à cette mosquée. Certains continuent jusqu’à aujourd’hui d’en vouloir au roi Baudouin”.
*Le wahhabisme a été fondé dans la péninsule Arabique, au XVIIIe siècle, par Muhammad ibn Abd al-Wahhab. Il représente un courant traditionnel qui se distingue par une lecture littérale de l’islam et par son aspect rigoriste et puritain. Il condamne en particulier toute innovation par rapport à l’enseignement originel de l’islam et considère que l’Etat doit fonctionner exclusivement selon la loi religieuse. Le pacte entre Ibn Abd al-Wahhab et Ibn Séoud, le fondateur de l’Arabie saoudite, fera de ce pays le berceau du wahhabisme.
Le salafisme, né à la fin du XIXe siècle, est un courant très proche du wahhabisme, auquel il peut pratiquement être assimilé dans sa version la plus conservatrice. La principale divergence entre les deux écoles porte sur le thème de l’Etat islamique: le wahhabisme se satisfait d’un dirigeant local – un roi, par exemple – s’il respecte et fait respecter la charia, tandis que le salafisme souhaite revenir au califat pour l’ensemble des croyants, même si la plupart d’entre eux acceptent l’idée d’un émir local pour quelque temps. Il tire son nom du mot salaf, qui désigne le premier compagnon du Prophète. Dans les années 1980 naît dans les camps de Peshawar, au Pakistan, sur fond de guerre en Afghanistan, le «salafisme jihadiste», une version radicale qui va séduire de nombreux jeunes musulmans, y compris en Europe. Les salafistes appellent surtout à purifier l’islam de toute trace culturelle étrangère.
(Source: Dictionnaire mondial de l’islamisme, Plon.)