Un historien patriote s’en est allé

L’historien et universitaire Raoul Girardet est décédé le 18 septembre 2013 à l’âge de 95 ans. Il était spécialisé dans l’étude du nationalisme, de la vie militaire et du colonialisme.

Né le 6 octobre 1917, il était descendant d’une famille de militaires patriotes. Nourrie par la lecture de Charles Péguy et exaltée par le souvenir des anciens combattants, sa jeunesse tumultueuse sera notamment marquée par l’engagement dans l’Action française, séduit par l’esprit aventurier, le romantisme de l’action patriotique contre l’ennemi allemand héréditaire et le charisme de Charles Maurras. Néanmoins, en 1940, il s’éloigne du mouvement dont il désapprouve l’antisémitisme et son approbation du régime de Vichy. La guerre et l’occupation allemande lui fournissent alors la deuxième grande aventure de sa vie, la résistance. Indigné par l’armistice, détestant l’occupant allemand et désireux d’agir, il s’engage très tôt dans des actions de résistance (surtout comme porteur de message) et est arrêté par la Gestapo en 1944, évitant de peu la déportation. Il recevra de ce fait la Croix de Guerre 1939-1945.

Sa troisième grande aventure patriotique sera l’engagement en faveur de l’Algérie française. Dès 1959, Girardet s’insurge contre les velléités du pouvoir gaulliste d’abandonner les départements algériens et devient un anti-gaulliste virulent. Il se fait remarquer en signant en 1960 le « Manifeste des intellectuels français » en faveur de « la mission civilisatrice de l’armée en Algérie. Contre les professeurs de trahison » avec, entre autres, Jacques Perret, Jacques Laurent, Roger Nimier, Jules Monnerot, Thierry Maulnier, Pierre-Ghilain de Bénouville ou le colonel Rémy. Cette initiative visait à répondre au manifeste des 121 publié en septembre 1960 dans Les Temps Modernes qui approuvait le principe de l’insurrection du FLN et incitait les soldats du contingent à l’insoumission et à la désertion. Autrement dit, à un acte de haute trahison. Le manifeste fut lancé par Dionys Mascolo et Maurice Nadeau et reçut notamment les signatures de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Laurent Schwartz, Claude Roy et autres représentants de l’élite intellectuelle corrompue et encline à la trahison. Girardet participera lui-même à l’OAS dans la branche « Action politique et propagande ». Il rédigera également plusieurs articles engagés dans la revue Esprit public lancée en décembre 1960 par Philippe Héduy et Hubert Bassot pour promouvoir la cause de l’Algérie française. Ces actions lui vaudront d’être emprisonné en septembre 1961 pour « provocation de militaire à la désobéissance » et son procès s’achèvera sur un non-lieu. Homme d’engagement donc, qui affronta la prison à deux reprises en deux grandes occasions historiques, même si, modeste, son temps n’incarcération ne lui avait pas paru « un score remarquable ».

Par la suite, il se consacrera essentiellement à son œuvre d’historien et d’essayiste. Il enseignera notamment à l’Université de Paris, à l’Institut d’Etude Politique de Paris, à l’Ecole Nationale d’Administration, à l’École Nationale militaire de Saint-Cyr et à l’École Polytechnique. Il aura notamment comme élèves Laurent Fabius, Jacques Attali et Jean-Pierre Chevènement, comme collègues René Rémond, Jean-Baptiste Duroselle et Jean Touchard. Il participe également à la revue monarchiste La Nation française de Pierre Boutang, qu’il quittera cependant lorsque celle-ci professera des opinions gaullistes. Critique des grandes écoles, il a également conspué l’ « assez morne grisaille de la Sorbonne » et s’opposera à la notion de nouvelle histoire.

Ce fut donc non seulement un grand et érudit historien qui nous quitte mais aussi un homme de conviction acharné qui ne se renia jamais et porta ses idées avec simplicité mais force et courage.

Lire aussi :
> Hommage à Raoul Girardet, par Marc Crapez

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4 Comments

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  • 0 / 10
  • Goupille , 3 octobre 2013 @ 22 h 16 min

    Laurent Fabius, Jacques Attali et Jean-Pierre Chevènement ?..
    C’est une cruelle illustration de la parabole du grain qui tombe dans les broussailles, sur le roc ou dans la bonne terre…

    Encore une grande conscience qui s’en va. Ne restent que des nains.

  • Alverma , 4 octobre 2013 @ 11 h 31 min

    C’était un grand, certes. Nous restent ses livres et la nostalgie de tous ceux qu’il aurait encore pu écrire. Que la miséricorde divine lui soit propice et qu’il repose en paix!

  • ARCOLE 34 , 4 octobre 2013 @ 13 h 12 min

    Malheureusement c’est un grand historien qui nous quitte, un homme de conviction et surtout d’idées .

  • Aaron , 7 octobre 2013 @ 0 h 02 min

    On ne peut dire mieux….

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