Toute analyse lucide, se fondant sur la seule recherche de la vérité, se gardant de succomber à l’émotion ou à la passion, ne peut qu’aboutir à la conclusion suivante : le Vatican est en train de vivre une période exceptionnellement meurtrière. Les incompréhensions, les doutes, les contradictions, les divisions se multiplient au sein du monde catholique, ayant pour cause, notamment, les positions du pape. Citons quelques exemples.
Les propos répétitifs de François, concernant l’islam qui n’aurait rien à voir avec le terrorisme, deviennent, pour beaucoup, un véritable problème, voire un scandale. La persécution ou la mort de nombreux chrétiens, du Nigéria à l’Inde, du Soudan au Pakistan, du Moyen-Orient aux Maldives, de l’Europe occidentale à l’Indonésie, de l’Australie à l’Amérique latine montre à l’évidence que l’islam a tout à voir avec le terrorisme, et a concrètement déclenché une guerre mondiale contre le monde chrétien. Les dénégations du pape sont désormais, pour beaucoup, irrecevables.
Les déclarations alambiquées de François sur l’homosexualité, tout au long de cet été, ne conviennent plus à grand monde : les homosexualistes les trouvent trop timorées, et les catholiques fidèles à la doctrine traditionnelle de l’Eglise, sur ce sujet d’une extrême gravité, les trouvent incompréhensibles. Oui ou non, se demandent de nombreux catholiques, l’homosexualité reste-t-elle un désordre très grave, comme le dit très explicitement le Catéchisme de l’Eglise catholique ? Si le lobby LGBT ne doit plus être condamné, et doit même être choyé, que le Vatican le dise clairement, et que le catéchisme soit modifié en conséquence. Aujourd’hui, le brouillard entourant cette question perturbe, divise et scandalise une partie importante du monde catholique.
La récente modification du Catéchisme de l’Eglise catholique relative à la peine de mort est choquante, tant sur le fond que sur la forme. Elle est intervenue au milieu de l’été, sans aucune concertation, sur une décision autoritaire de François : voilà pour la forme. Sur le fond, le texte rédigé après des années de réflexion sous l’autorité du pape Jean-Paul II, remarquablement ciselé et mesuré, est remplacé brutalement par un texte dont l’écriture laisse à désirer et qui affiche une contradiction patente avec le texte d’origine. Ce qui signifie donc que saint Jean-Paul II s’était fourvoyé sur ce sujet, puisque les conditions générales prises en compte pour l’élaboration du texte n’ont pas réellement changé. Notons cependant que de nombreux commentateurs ont souligné que si le texte initial devait être modifié, il aurait été plus réaliste de le durcir, plutôt que de l’abroger… Comme la modification introduite en catimini par le pape n’a souffert aucune discussion, le nécessaire débat fondamental sur un tel sujet n’aura pas lieu. Quoi qu’il en soit, cette partie nouvelle du catéchisme peut avoir de très graves conséquences tout au long du siècle, comme l’ont souligné un certain nombre de dirigeants politiques ou religieux du monde entier. Une fois de plus, le doute, l’incompréhension et la division sont à l’œuvre.
Tout récemment, l’affaire McCarrick, du nom du plus que sulfureux cardinal de Washington, très proche du pape, met directement en cause ce dernier. Les lignes de défense de ses soutiens sont pour le moins catastrophiques, car basées soit sur l’inexactitude, soit sur le mensonge. L’on a vu notamment des catholiques, considérés comme des intellectuels fiables, indiquer, pêle-mêle, que : les accusateurs du pape, notamment le nonce apostolique au cœur des révélations sur les dramatiques dérèglements sexuels de McCarrick, ne sont pas blancs comme neige ; les catholiques conservateurs utilisent cette affaire pour déstabiliser le pape ; ce dernier agit avec prudence et intelligence, et l’on doit lui en être gré etc. Cette façon d’agir, basée sur le seul jugement de valeur subjectif, voire sur le mensonge pur et simple, consiste à fuir, pour des raisons bassement idéologiques, l’implacable réalité. Tout cela est hautement problématique, venant de milieux dits catholiques, qui devraient donc avoir pour seul objectif la recherche de la Vérité, quel qu’en soit le prix à payer. Cela dit, François se trouve au cœur d’un ouragan ravageur pour lui, sa propre communication sur ce sujet étant elle aussi on ne peut plus contestable. En effet, sa réponse sur le rapport du nonce Vigano fut la suivante : “J’ai lu ce matin ce communiqué, je l’ai lu et je dirai sincèrement que je dois vous dire ceci, à vous et à tous ceux d’entre vous qui sont intéressés : lisez attentivement le communiqué et faites vous votre propre jugement. Je ne dirai pas un mot là-dessus.” Une telle réponse va à rebours de toute la communication pontificale sur la transparence et l’exigence de vérité, et laisse les observateurs comme les croyants perplexes ou consternés.
Le cardinal Müller, le très remarquable préfet pour la Congrégation de la Doctrine de la foi, mis sur la touche par le pape en 2017, indiquait dans un entretien récent que le risque de schisme dans l’Eglise devenait préoccupant. Il est vrai que les positions de François sur de nombreux sujets deviennent illisibles.
Puisse l’Eglise catholique, composée de tant de saints prêtres et laïcs, apparaissant désormais comme le dernier rempart contre les forces de destruction de la Création, conserver ou retrouver une clarté de doctrine et de pratique si malmenées actuellement.
François Billot de Lochner – Liberté politique