L’affranchie est un drame italien contemporain. Le titre original « La Ragazza del Mondo », soit « La fille du monde », est évidemment plus précis et décrit davantage le thème du film. L’expression, identique en français et en italien, est reprise de la Bible, singulièrement du Nouveau Testament, où Jésus-Christ dans les évangiles, puis à sa suite saint Paul dans ses épîtres, opposent ceux qui suivent la voie du salut, unique, celle du Christ, et les autres, qui restent dans le monde, infesté d’une infinité d’erreurs, et aux comportements de ce fait peccamineux. Les enfants de Dieu sont donc opposés aux fils et filles du monde. Ces notions de base du christianisme ont été probablement été jugées incompréhensibles pour le public déchristianisé en France, d’où ce nouveau titre L’affranchie, qui n’est certes pas fautif : une jeune fille de 19 ans s’affranchit de l’univers des Témoins de Jéhovah, aux règles strictes. Elle a une liaison sensuelle – et le film n’est hélas pas tout public puisque cette sensualité est un peu trop montrée – avec un fils du monde. Ce dernier est le fils d’une veuve en détresse cible du prosélytisme systématique et bien connu des Témoins de Jéhovah. « Contaminée » par le monde, elle est donc excommuniée par les Anciens des Témoins de Jéhovah comme fille du monde. Cette sanction a les pires conséquences : même les parents proches doivent ignorer absolument la fautive condamnée par la communauté !
L’affranchie, un film d’un grand intérêt
Le véritable intérêt du film ne réside pas dans l’histoire sentimentale, sottise manifeste d’une adolescente qui s’éprend d’un jeune délinquant multirécidiviste. De façon hélas prévisible, il y a peu à en attendre, même s’il n’est peut-être pas fondamentalement méchant. L’affranchie se montre d’un grand intérêt dans la description de l’univers si particulier, visiblement très bien connu, des Témoins de Jéhovah. Ce monde singulier s’avère pour le moins dur. Il tient de la vraie secte oppressive, certes sans violence physique, mais à la violence morale omniprésente. Le film est terrible par son réalisme, qui n’est gâché par aucune extravagance, ou même détail douteux.
Ainsi, ces Témoins de Jéhovah ne sont donc pas des chrétiens stricts et un peu originaux, voire quelque peu sympathiques par leur volonté de pratiquer à la lettre le message du Christ à notre époque si loin du Christ, comme on pourrait ou voudrait le croire avec une superficielle bienveillance. Le message du christianisme est en fait perverti : la contre-société mise en place est oppressive, fondée sur le contrôle permanent de tous par tous. Il y a des ressemblances superficielles parfois avec le catholicisme, mais précisément, tout est perverti : par exemple, la confession de la pécheresse est quasi-publique, devant un comité d’Anciens, fort curieux pour les détails des péchés de chair, ce qui n’a rien à voir avec l’accusation de péchés semblables devant un prêtre au confessionnal. L’âme pécheresse est avant tout humiliée, ne progresse certainement pas vers le Bien.
Aussi avons-nous trouvé ce film très intéressant dans la description de cette secte si célèbre et au fond méconnue.