Par Alain sanders
En 1803, Bonaparte est Premier consul à vie. Mais, comme il a déjà une bonne police, il n’ignore pas que la France reste profondément de sentiments royalistes.
Poussé par son entourage où l’on compte de nombreux régicides à qui il doit donner des gages de son attachement sincère à la Révolution, il va donc se résoudre à faire sinon mieux qu’eux – l’assassinat de Louis XVI – au moins aussi bien. Ce sera donc le kidnapping (même si le mot n’existe pas encore) et la mise à mort d’un prince de sang, Louis Antoine de Bourbon Condé, duc d’Enghien.
Né le 2 août 1722 à Chantilly, le duc d’Enghien a émigré le 17 juillet 1789. Avec son grand-père, le prince de Condé, et son père, Louis Henri Joseph de Bourbon, troisième prince de Condé (mort en 1830, après une série d’aventures rocambolesques et une mort saugrenue qui a fait l’objet de nombreuses études).
Courageux, entreprenant, toujours prêt à l’action, Enghien a bien mérité son surnom : « Le duc Va-de-bon-cœur ». Au vrai, il n’a pas le cœur très vaillant en ces temps difficiles. Installé pauvrement dans une ville du pays de Bade, Ettenheim, il n’a plus de commandement et on le tient ostensiblement à l’écart.
Ce qui – du moins les rapports des espions français le donnent-ils à croire – ne l’empêcherait pas de conspirer. Contre toute vraisemblance : le grand souci du duc, pauvre comme un rat, étant surtout de pouvoir nourrir sa famille…
Ettenheim est à quelque cinquante kilomètres de la frontière française. Le 4 mars 1804, le général Ordener, 31 gendarmes et 30 hommes du 26e Dragons, passent le Rhin et s’emparent de la personne du duc. Le 20 mai au soir, il est à Paris. Et, dès le lendemain, enfermé à Vincennes. Il est immédiatement « jugé » par une commission militaire.
Bonaparte avait prévenu : « Je ferai impitoyablement fusiller le premier de ces princes qui me tombera sous la main. » Le 21 mars, à une heure du matin, le duc d’Enghien – à qui on n’avait rien demandé d’autre que de décliner son identité – est condamné à mort.
Comme Bonaparte a conscience qu’il va commettre un acte qui restera comme une tache indélébile de son règne, il veut faire vite : « Il faut qu’Enghien soit exécuté avant l’aube. » On va refuser au duc le prêtre qu’il a réclamé. Face au peloton d’exécution, il refuse le bandeau qu’on lui tend :
— J’ai souvent vu la mort de plus près. Un Condé ne plie le genou que devant Dieu.
Ses derniers mots seront : « Qu’il est dur de mourir de la main des Français… » Au matin, la nouvelle de son exécution est à la une du Moniteur. A part la Russie et la Suède, les puissances étrangères ne bronchent pas. Elles vont bientôt payer au prix fort leur lâcheté. Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte…