« On a vu que lorsque l’extrême droite arrive au pouvoir, ces libertés de publier des auteurs de tous les pays sont remises en cause. Avec Emmanuel Macron qui a mis la culture en première position de son programme, on pourra continuer [à publier ces auteurs] », avait déclaré, très « méremptoire », Françoise Nyssen avant d’être adoubée par le tandem Macron-Philippe et portée sur les fonts baptismaux de la rue de Valois. Elle avait ensuite reçu tous les hommages dus à sa double casquette d’éditeur engagé et de membre de la république du Luberon. Mais également à ses obsessions sur la féminisation des noms (« auteure, écrivaine, autrice, c’est comme on veut », disait-elle récemment) ou le soutien sans faille à tous les migrants de la terre.
Pavlov pas mort
Près d’un an après cette nomination, on mesure l’étendue des dégâts provoqués par cette nouvelle épuratrice qui, sitôt aux affaires, a piétiné son bel engagement d’entrée en scène pour finalement n’avoir rien à envier aux Soviétiques qui détouraient les photos officielles quand tel ou tel avait cessé de plaire ou dressaient des listes de livres à proscrire ou à brûler.
Cette scientifique de formation a-t-elle été trop marquée par les travaux de Pavlov ? Toujours est-il qu’elle a très vite retrouvé le réflexe consistant, comme au bon vieux temps du Livre rouge, à ressusciter une censure qu’elle reprochait précisément à la prétendue extrême droite de pratiquer. En deux temps trois mouvements, elle a ainsi obéi aux injonctions de Serge Klarsfeld exigeant la non-publication des pamphlets de Céline, fussent-ils précédés d’un appareil critique, et cela contre le vœu d’un certain Edouard Philippe, qui a finalement rendu les armes. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, elle a, dans la foulée, cédé aux ordres de tous les empêcheurs de commémorer en rond qui ont obtenu de celle qui fut la patronne d’Actes Sud que Charles Maurras et Jacques Chardonne soient purement et simplement virés du Livre des commémorations nationales 2018… pour cause d’antisémitisme. A ce petit jeu là, il faut d’urgence supprimer Karl Marx et même Bernard Lazare des rayons des bibliothèques.
Mais pour en revenir au Livre des commémorations 2018, il a été mis au pilon avec interdiction d’évoquer la mémoire des deux « suspects ».
Un désaveu cinglant
Sauf que Françoise Nyssen s’est reçu un Scud en pleine poire de la part des membres – de gauche pour la grande majorité d’entre eux – du Haut Comité des commémorations nationales dont ils ont démissionné pratiquement en bloc en dénonçant la menace de « la censure ou de l’autocensure » (Présent du 24 mars) et en regrettant une telle aberration.
Cette grosse pierre dans le jardin Nyssen ne semble pas avoir affecté outre mesure la locataire de la rue de Valois, qui n’a pas réagi à l’affront subi. Il est vrai qu’elle était tout à sa présidence du festival No Frontiers destiné à faire la promotion des migrants à travers la musique. Ce tropisme nomade l’habite tellement qu’elle a décidé de donner des ailes à la Joconde et de transformer la tapisserie de Bayeux en tapis volant et lui faire traverser la Manche. Quitte d’ailleurs à s’attirer les foudres des experts du patrimoine qui voient d’un très mauvais œil voyager ces joyaux. Mais Françoise « bas-rouge » n’en a cure, s’imaginant sûrement qu’elle a la science infuse.
Une migrante nommée Mona Lisa ?
Depuis sa prise de pouvoir à la hussarde, elle n’a eu de paix ni de cesse que de vouloir faire sortir les œuvres d’art des musées. Un choix qui peut être judicieux s’agissant de peintures ou de sculptures à même de supporter un dépaysement, mais catastrophique dans le cas, par exemple, de la Joconde ou de la tapisserie de Bayeux. Peinte sur du bois fin et fendu, Mona Lisa ne sera même pas de la rétrospective Léonard de Vinci qui aura pourtant lieu… au Louvre en 2019 et elle restera bien sagement à sa place, conditions de survie obligent. Mais, confondant gros sous et patrimoine, notre ministre a résolu de tenir tête à tous ceux qui lui ont crié « casse-cou ». Ainsi lors d’une récente audition devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale au cours de laquelle elle a lamentablement bredouillé, Nyssen a plaidé à nouveau pour une « itinérance » (sic) de la Joconde, convaincue dans sa petite tête que l’on peut balader celle-ci tel un animal de foire.
Même entêtement d’ailleurs s’agissant de la tapisserie de Bayeux, ce chef-d’œuvre brodé dont elle affirme qu’il a été tissé (mais oui…), qu’elle décrit sottement comme la « première bande dessinée historique » et qu’elle a de la peine à localiser au musée de Bayeux, mais qu’elle veut absolument faire restaurer aux frais conjoints de Londres et de Paris. Apprenant que ce joyau avait été roulé pendant la guerre à seule fin de le protéger et de l’empêcher de partir en fumée sous les bombes anglo-américaines, qui ont anéanti la Normandie en 1944, elle est toute fière d’annoncer qu’on pourra faire de même, près de quatre-vingts ans plus tard, quitte pour la tapisserie à partir en lambeaux.
Autant de lieux communs, d’approximations et d’imprécisions qui en disent long sur son ignorance crasse. La Belge Nyssen réussira-t-elle l’exploit de nous faire regretter la Coréenne Fleur Pellerin ?
Françoise Monestier -Présent