Debout sous un majestueux dôme ottoman, brandissant des drapeaux turcs devant une mosquée flambant neuve, la foule mêlée de fidèles et de curieux savoure: habituée à faire profil bas, la communauté musulmane de l’est des Etats-Unis recevait samedi les honneurs présidentiels. Saluant la beauté du lieu, le président turc Recep Tayyip Erdogan a inauguré la mosquée du centre islamique Diyanet, fraîchement sorti de terre et présenté comme le plus grand d’Amérique.
L’homme fort d’Ankara, dont le pays a entièrement financé le projet pharaonique de quelque 110 millions de dollars, a justifié sa présence à Lanham, petite agglomération de quelque 10.000 âmes dans le Maryland, par le contexte politique américain autant que les amalgames croissants entre islam et terrorisme.
“Malheureusement, nous traversons une période difficile pour les musulmans, frappés par le terrorisme à travers le monde et souvent montrés du doigt après les attentats”, a lancé Recep tayyip Erdogan, prenant les exemples récents de Bruxelles et Paris mais aussi du 11 septembre 2001 à New York. “C’est pourquoi je pense que ce centre va jouer un rôle crucial” pour réconcilier l’Amérique avec son islam, a-t-il lancé sous les ovations de milliers de personnes, femmes et hommes, agglutinées derrière les barrières de sécurité sur l’esplanade de la mosquée.
(…) Le “terrorisme n’a pas de religion”, a repris M. Erdogan, déplorant que les musulmans doivent “payer le prix” de la défiance “pour une poignée de terroristes”.
Pourtant en froid avec le président américain Barack Obama –qui a décliné l’invitation de son homologue turc de venir couper le ruban du centre –, M. Erdogan s’est dit “d’accord” avec le président américain sur la “rhétorique incendiaire de certains candidats à la présidentielle aux Etats-Unis”, qui créent un climat anti-musulman dans le pays.
Au contraire, a-t-il lancé, “la communauté musulmane américaine contribue au renforcement des Etats-Unis”.
(…) Vendredi soir, en conclusion du sommet sur la sûreté nucléaire à Washington auquel était convié M. Erdogan, le président américain a jugé “très inquiétante” la voie empruntée par l’allié turc, accusé de museler la presse d’opposition.
Le groupe de presse Zaman, récemment mis sous tutelle en Turquie, est réputé être lié au prédicateur Fetullah Gülen, ennemi numéro 1 du président Erdogan qui vit en exil depuis 1999 en Pennsylvanie –- Etat voisin du Maryland –, niché dans les monts Poconos, sur les contreforts des Appalaches.