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156 députés ont appelé, ce mercredi, dans une tribune du Monde, à légiférer sur l’euthanasie. Sur Boulevard Voltaire, Jean-Marie Le Méné nous rappelle les arguments des partisans de l’euthanasie et nous explique pourquoi l’argument des soins palliatifs n’est pas une bonne réponse.
156 députés ont signé une tribune dans Le Monde pour appeler à la légalisation de l’euthanasie. Ils citent notamment l’exemple de la loi Veil. Ce raisonnement est-il surprenant ?
Cette tribune est très intéressante, car elle nous transporte quarante ans en arrière. Les auteurs développent les mêmes arguments pour soutenir cette fois leur position pour la légalisation de l’euthanasie.
Le premier argument est celui de la morale. Elle fait pour cela référence à un sondage paru dans La Croix qui montre que 89 % des Français sont favorables à la légalisation de l’euthanasie. La Croix est quand même un journal chrétien. S’il publie ce type de sondage, on peut comprendre que l’obstacle moral est levé. C’est un préalable important.
Le deuxième argument est celui de la justice. Il consiste à dire que seuls les Français aisés peuvent aller à l’étranger pour bénéficier de l’euthanasie qui est interdite en France. Cette situation injuste crée une égalité d’accès à l’euthanasie.
Il y a ensuite l’argument de légalité. Même si c’est un peu contradictoire avec l’argument précédent, on avoue que l’euthanasie se pratique quand même dans les hôpitaux français. Selon les chiffres avancés, entre 2000 et 4000 personnes en phase terminale recevraient cette aide chaque année en France. Les auteurs soutiennent qu’il faut changer la règle pour que cette pratique ne soit plus illégale et donc risquée.
Ils avancent également l’argument de la conscience. Personne ne serait obligé, ni les patients, ni les médecins.
On découvre aussi l’argument showbiz. On nous cite Anne Bert, l’écrivain français qui a bénéficié à sa demande de l’euthanasie à l’étranger. Si le showbiz le fait, c’est quand même important, car ça devient populaire.
Et enfin l’argument que vous avez évoqué, massif, historico-symbolique et d’autorité de l’avortement. Comme nous avons été capables de voter le droit à l’avortement, il n’y a aucune raison que nous ne soyons pas capables de voter une loi sur la fin de vie.
C’est au fond le même raisonnement et les mêmes arguments, parfois repris mot pour mot, qu’invoqués il y a quarante ans pour l’avortement.
Est-il possible de faire entendre une voix dissonante, alors que l’argumentaire semble implacable ?
Ce n’est qu’une proposition de loi. On peut au moins faire crédit au président de la République pour sa parfaite maîtrise de l’agenda politique. La ministre de la Santé a d’ailleurs dit que sur l’euthanasie le gouvernement fera comme il le décidera. Alors, dans la loi de bioéthique ou pas, cela dépendra des intérêts politiques bien compris du gouvernement.
En 2019, il y a aura la campagne pour les Européennes. Je ne pense que le gouvernement s’embarrasse avec des sujets de société qui vont durer. Nul ne sait s’il agira très rapidement avant les Européennes, ou bien après. On peut simplement dire que le monde est prêt à accepter cela aujourd’hui en France, mais aussi que le président n’a pas encore donné son avis sur cette question. Il y a donc encore une incertitude.
Au-delà de cette incertitude, il faut bien sûr répondre à cet argumentaire. La réponse apportée par ceux qui sont contre l’euthanasie est celle des soins palliatifs. Je dis que ce n’est pas le bon niveau de réponse. Le besoin de soins palliatifs est une évidence et tout le monde est d’accord sur ce point, y compris ceux qui sont pour l’euthanasie.
La seule bonne réponse est celle qui consiste à s’opposer à l’acte de donner la mort. Il faut refuser que la société donne à la médecine le droit de délivrer la mort à ses patients. Cela est évidemment parfaitement contradictoire avec la vocation et la pratique de l’art médical. L’interdit de tuer est le seul argument de nature à s’opposer à l’euthanasie. Il n’a pas encore été beaucoup utilisé par les opposants à l’euthanasie, mais ça peut venir.