“Touche pas au grisby, salope!”

Les éditions Dunod publient “Touche pas au grisbi, salope !”. Le journaliste Philippe Lombard y recense les perles d’argot, les méchantes saillies et les mots d’esprit qui fleurissent les dialogues du cinéma français. Un régal pour les amoureux de la langue verte et une lecture qui donne envie de revoir tous ces films savoureux.
“Touche pas au grisbi, salope”, cette apostrophe lancée par maître Folace (Francis Blanche) dans la fameuse scène de la cuisine du cultissime “Les tontons flingueurs” reste dans toutes les mémoires. On a même l’impression de voir cligner les yeux de l’acteur juste après l’avoir prononcée. Philippe Lombard a choisi cette courte phrase pour en faire le titre de son livre. Et c’est plutôt bien trouvé car sur cinq mots, deux entrent parfaitement dans le cadre de son sujet : “Grisbi” et “Salope”. Les 222 pages que compte ce livre font le tour des mots mais surtout des expressions qu’il a traqués dans des films français de toutes les époques. “Les tontons…” bien sûr, qu’on attendait là, les Belmondo (eh, oui… qu’est-ce-qu’un “Morfalou” par exemple, ou un “guignolo”), il y a les films qu’on espérait comme le magnifique “Fric Frac” de Claude Autant-Lara en 1939 avec Michel Simon, Arletty et Fernandel. On trouve enfin des oeuvres qu’on avait oubliées, comme “Quand passent les faisans” ou “Cigarette, whisky et petites pépées” . On en découvre également qui étaient complètement passées à l’as, comme “Estouffade à la Caraïbe” ou “Les ringards”.

Mais il ne se cache pas que des vieux films dans ce livre. Pour illustrer par exemple, le mot “plouc” (dont on apprend au passage qu’au départ il désignait un… Breton car nombre de noms de patelins commence par “plou” dans cette belle région ! ), Philippe Lombard va le retrouver, utilisé par François-Xavier Demaison, dans le film “Disco” de 2008. “Les Kaira”, bel exemple d’argot des cités n’est pas non plus oublié.

L’intérêt de ce livre, outre qu’il donne envie de revoir bien des films, réside dans la manière qu’il a aussi de mettre la langue verte en perspective. L’argot d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’hier. Mais celui d’hier est aussi différent de celui d’avant-hier. Ainsi, pour parler d’une cigarette, ce dialogue entre Jean-Paul Belmondo et Anne collette dans “sois belle et tais toi” en 1958 : “Passe moi une cibiche !” réponse : “Tu te crois en 1935 ? On ne dit pas “Passe moi une cibiche.”on dit “refile moi une pipe”.
Toujours autour du même objet, mais cette fois dans “Fric Frac” déjà cité, on sent bien que le spectateur doit se remettre dans l’ambiance de l’année de naissance du film sous peine d’une redoutable confusion : Fernandel propose une sucrerie à Arletty. Lui : “Un bonbon ?”, elle : “Merci, je préfère une pipe.” lui : “Une pipe ?”, elle : “Une cigarette ! “.

Si le cinéma a largement puisé dans l’argot des différentes périodes, il a aussi contribué à le forger. C’est ainsi que depuis le film qui porte ce prénom, un “Tanguy” est un adulte attardé qui habite toujours chez ses parents à un âge où il devrait avoir déjà charge de famille.
Alors pour retrouver des films, et souvent des bons films où sont utilisés des mots comme “Mataf”, “Bredin”, “Grupier”, “Patakouèke”, “Godelureau”, Dabe”, “Connasse” ou “Rififi”, si vous avez envie d’entendre les voix de Bernard Blier, Jean Gabin, Alain Delon, Raimu, Annie Girardot, Gérard Jugnot ou Lino Ventura juste en en lisant les citations, promenez vous dans les pages, illustrées en noir et blanc de ce petit ouvrage. Il mérite l’adjectif de “jubilatoire”, trop souvent utilisé à tort et à travers mais pour une fois tout à fait justifié.

Source

Related Articles