Au revoir Raymond! (Vidéo)

On dit souvent de Raymond Kopa, décédé ce vendredi à l’âge de 85 ans, qu’il fut le premier des footballeurs modernes. C’est à bien des niveaux que l’ancien joueur de Reims et du Real Madrid a ouvert la voie à ses successeurs.

1. Le prestige et l’image des footballeurs français
Après Stanley Matthews et Alfredo Di Stefano, Raymond Kopa remporte en 1958 le troisième Ballon d’Or de l’Histoire. Il faudra attendre vingt-cinq ans pour qu’il soit rejoint par un autre Français, Michel Platini, qui en gagnera trois successivement. Jean-Pierre Papin (1991) et Zinédine Zidane (1998) complètent le quatuor.

Les trois plus grands footballeurs français présentent des points communs sociologiques : ils sont des fils ou petits-fils d’immigrés issus de milieux modestes. Arrivé dans le nord de la France à l’âge de 13 ans en compagnie de ses parents, François Kopaszewski travaillera toute sa vie dans les mines de Noeux. Son fils Raymond, lui aussi, sera galibot pendant son adolescence ; un accident lui laissera même à la main des traces irréparables.

Dans un documentaire consacré à la légende de Reims, l’ancien député européen Daniel Cohn-Bendit avance : «Kopa fut le précurseur de ces immigrés qui ont donné à ce pays une culture du foot digne des charmes du coq national.» En 1970, Kopa fut le premier footballeur à recevoir la Légion d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

En 1956, Raymond Kopa quitte le club finaliste de la Coupe d’Europe (Reims) pour celui qui l’a remportée (le Real Madrid) pour 52 millions d’anciens francs (environ 1M€ actuels). A l’époque, c’est un transfert record. Premier couac à son arrivée à Madrid : le Français doit attendre la naturalisation d’Alfredo Di Stefano pour pouvoir jouer sous ses nouvelles couleurs. Déjà, son précédent transfert d’Angers vers Reims n’avait pas été simple : des désaccords financiers avaient fait durer les négociations.

Ce rapport particulier au marché des transferts et sa personnalité très affirmée vont pousser Raymond Kopa à se battre pour ouvrir les droits des joueurs de foot. A l’époque, les footballeurs sont à vie propriété de leur club. Le Ballon d’Or 58 fut l’un des premiers à s’en plaindre avec virulence, comparant leur situation à celle d’esclaves (une déclaration qui lui causa une suspension de six mois). En compagnie d’autres poids lourds comme Just Fontaine, il participe à la création du syndicat des joueurs, l’UNFP, dont il devient vice-président.

N’allez pas croire que les relations ombrageuses avec l’équipe de France sont l’apanage des jeunes générations. Raymond Kopa a, lui aussi, vécu plusieurs épisodes agités avec la sélection. Lors de la Coupe du monde 1954, d’abord, alors que le stage de préparation ne se passe pas bien et que les performances déçoivent, des supporters lancent à Kopa : «Trop payé ! Retourne à la mine !» Les Bleus ne passeront pas le premier tour.

Place ensuite à l’embellie. Mais après avoir guidé les Bleus jusqu’à la troisième place du Mondial 58, c’est quatre ans plus tard que les disputes entre le sélectionneur Georges Verriest et Raymond Kopa poussent ce dernier à la retraite internationale. Le premier reproche au second des prestations médiocres, le second lui renvoie son incompétence. Kopa finira sa carrière en Bleu par une suspension de trois mois.

Au Real Madrid, Kopa vit comme une star, une vraie. Le régime de Franco étouffe le peuple espagnol pour qui le football est un exutoire. Autour de 120 000 spectateurs remplissent chaque semaine le stade Santiago-Bernabeu. Comme Di Stefano et Puskas, Kopa est idolatré. Il gagne cinq fois plus d’argent qu’à Reims – près de 20 millions d’anciens francs par mois (3 000 euros), plus de nombreuses primes – et habite un appartement luxueux proche du stade, en partie payé par le club.

«Mais la vie de vedette n’est pas simple, écrit Kopa dans son autobiographie. La rivalité existe partout, entre joueurs notamment, et le public vous guette et ne pardonne rien. La presse non plus.»

5. La fructification commerciale de la célébrité
Premier footballeur-businessman, Raymond Kopa a lancé, alors qu’il était encore joueur, sa propre marque de jus de fruits, commercialisée dans la région d’Angers. Logiquement, à l’issue de sa carrière, Kopa accepte la proposition de plusieurs marques d’articles de sport et se reconvertit dans les affaires.

La marque Kopa voit le jour et l’ancien Rémois en devient directeur commercial. L’ancienne star du foot met son image au profit de ses affaires, serre des mains, signe des autographes, dédicace ses produits. Il parcourra, selon ses dires, près de 80 000 km par an jusqu’à sa retraite.

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