« C’est du Miège… » comme l’indique Délit d’images pour annoncer la dernière production de son dessinateur vedette. Mais alors qu’est-ce qui fait que c’est du Miège, sa marque de fabrique justement et non pas dans le registre des dessinateurs de presse du Plantu, du Cabu, du Faizant, pas du cochon mais de l’art assurément ?
Le décor est lunaire et pas seulement car Miège est aussi un doux et grand rêveur. Mais parce qu’il s’inscrit dans le quotidien où il y a des temps et un espace. Temps de l’actualité certes, temps cyclique des effets de mode et surtout peut-être temps saturnien chez Miège qui traine sa mélancolie dans notre monde désenchanté.
Dernier dessin avant la fin du monde ? Pas certain, notre auteur joue des courbes et des lignes droites comme Cranach peignant Adam et Eve avant la chute. Les femmes de Miège sont de sublimes arabesques.
Entrer dans l’univers de Miège, c’est descendre en spirale et pas seulement pour s’attaquer à notre actualité et à ceux qui la font. Et l’on y croise comme à foison des énergies vivantes, chats, souris, poissons, oiseaux. C’est l’œil de Miège, bien évidemment ses dessins nous regardent et nous concernent. L’œil nous scrute même parfois tout en se fondant dans le décor. Pas de véritable culpabilité chez l’auteur mais une infinie délicatesse, la plus extrême timidité, l’espièglerie aussi, le dessin de Miège est la quintessence de l’humour sans une once d’ironie tellement l’auteur s’inclus dans ce qu’il croque. Question de survie, exquise politesse du désespoir qui ne pousse pas Salengro vers un acte désespéré comme l’a fait Sennep mais au contraire conduira Taubira à surenchérir dans le statut de la victime expiatoire qui voudrait lui faire porter le chapeau. Les personnages de Miège en sont d’ailleurs souvent pourvus, de parapluie beaucoup moins. Et pourtant, en ces temps qui courent…
Il faut dire que de nos jours, ce ne sont plus les caricaturistes qui font la peau des politiques mais depuis Charlie au moins, les islamistes celle des dessinateurs de Presse : Charb, Cabu, Wolinski, Honoré et Tignous, d’un seul coup d’un seul. L’intolérance et le fondamentalisme seront toujours iconoclastes de ce qui précède, qu’ils ne supportent pas que l’homme participe du divin. Nul besoin d’être Velasquez pour venir comme la petite souris de Miège dans les conclaves des puissants de ce monde.
Il y a des étoiles et des anges dans l’univers de Miège et aussi un curieux poisson dont il ne reste que la tête et les arêtes, souvent accolé à la griffe de l’auteur. Amusante signature d’ailleurs avec ce M de Miège qui se cabre, regimbe, résiste, question d’esprit, invitation aussi à se verticaliser. Car si le poisson nous fait descendre dans les profondeurs de nos enfers et inaccomplis, extérieurs comme intérieurs, les arêtes nous rappellent que ça va parfois faire mal. Hé oui, c’est la suite logique de la chute après Cranach que l’on va devoir dorénavant accoucher dans la douleur. L’artiste au premier chef !
Nicolas Stoquer