L’arabe du futur de Riad Sattouf, Fauve d’or d’Angoulême

Sous ses faux airs de grand ado un peu timide, Riad Sattouf cache un artiste complet et, désormais, majeur. Car avant de décrocher le Saint-Graal à Angoulême, le premier volume de la trilogie L’arabe du futur, qu’il consacre à son enfance, comptait déjà parmi les plus gros succès éditoriaux de l’année 2014 (plus de 150.000 exemplaires vendus, ce qui est exceptionnel en BD). Comment ce dessinateur de «petits Mickeys» a-t-il réussi à faire l’unanimité autour d’une œuvre aussi personnelle – car autobiographique?

«Le succès de ce livre ne me semble vraiment pas illégitime», confie Guillaume Allary, éditeur de L’Arabe du futur et ami de longue date de Riad Sattouf. «Il faut savoir qu’il est resté en gestation près de dix ans, et que c’est donc le fruit d’une longue maturation artistique». Une appréciation pas forcément objective, que Guillaume Allary nuance immédiatement: «La force de cet album est qu’il est à la fois très singulier et très universel. 99,99% des lecteurs n’ont pas vécu l’enfance que Riad raconte, mais chacun y retrouve pourtant une part de sa propre enfance. C’est la marque des grands livres.»
Un discours universel
Gwen de Bonneval, auteur de BD et président du jury qui a attribué le Fauve d’Or à L’arabe du futur, abonde dans ce sens: «Cet album “parle” à tout le monde. D’ailleurs, c’est le seul (des 35 que comptait la sélection 2015, NDLR) qui ait été aimé par tous les membres du jury, sans exception!». Assez surprenant, quand on sait que les récits autobiographiques trouvent de moins en moins grâce aux yeux du public. «C’est vrai, mais c’est aussi faux», tempère Gwen de Bonneval, «lorsqu’on regarde les succès majeurs de la BD à l’international, on trouve d’autres récits autobiographiques comme le Maus d’Art Spiegelman ou Persepolis de Marjane Satrapi. Ce sont des cartons mondiaux, et Maus est même le seul roman graphique à jamais avoir reçu le prestigieux Prix Pulitzer. L’arabe du futur s’inscrit dans la lignée de ces deux succès-là».

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Si le livre avait déjà «fait carrière» dans les librairies, beaucoup doutaient qu’il fut primé à Angoulême, Riad Sattouf ayant déjà reçu le Fauve d’Or d’Angoulême en 2010 pour le troisième tome de sa série Pascal Brutal. C’était la crainte de Guillaume Allary, qui pensait «qu’il serait écarté d’emblée. Je m’étais presque fait à cette raison». Alors que «ça n’a pas du tout été pris en compte», précise Gwen de Bonneval, «parce qu’il aurait été injuste que le meilleur album de l’année -car c’est ce qu’il est- ne soit pas à sa place pour un motif aussi discutable». Finalement, l’un des points les plus déterminants du succès de L’arabe du futur est qu’il fait l’unanimité auprès de ses lecteurs, mais également des professionnels.
Et comme tout succès en appelle d’autres, c’est sous de nouveaux horizons que le livre est désormais appelé à rayonner: «Il va épouser un destin international puisque ses droits ont déjà été vendus à plus de 18 pays, dont les Etats-Unis (où Riad n’a jamais été traduit), l’Allemagne, le Brésil etc.», souligne Guillaume Allary. «C’est logique», s’enthousiasme Gwen de Bonneval, «car Riad est aujourd’hui un auteur très identifié et connu, également grâce à ses succès cinématographiques (il a réalisé Les beaux gosses et Jacky au royaume des filles). Il mérite ce qui lui arrive, parce qu’il a maintenant -et il ne le doit qu’à lui-même- une aura d’artiste complet».

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