De nombreux lecteurs nous ont envoyé des mails pour s’indigner de l’affaire : le château de Versailles envisage de confier à un opérateur la création d’un hôtel de luxe dans l’hôtel du Grand Contrôle, qui dépend de l’établissement public. Or il se trouve que l’histoire n’est pas nouvelle même si, apparemment, elle n’avait pas encore abouti alors que l’hôtel devait ouvrir en 2011.
Cela n’a, pour nous, rien de choquant. Nous expliquions en effet à quelles conditions un hôtel pouvait s’installer dans un monument historique sans dommage. Il se trouve que l’hôtel du Grand Contrôle, qui n’a jamais été visitable, qui ne contient plus aucun élément réellement intéressant (on remerciera au passage l’armée qui l’a longtemps occupé et l’a laissé dans un état désastreux…) et qui était en très mauvais état, regroupe tous ces critères. Ce bâtiment, contrairement à ce que l’on pourrait penser de ce qu’on a lu dans la presse, ne fait pas réellement partie du château. Il est une dépendance de celui-ci. Il n’est d’ailleurs pas prévu de vendre l’édifice, mais de le louer. Personne ne sera privé de rien, il appartient toujours à l’établissement public et lui rapportera de l’argent tous les ans.
Il n’y a donc rien de scandaleux, ce qui est d’ailleurs un exploit pour Versailles. Il est dommage que des affaires bien plus déplorables ne déclenchent pas la même indignation. Ainsi, l’État a vendu, également à Versailles, l’hôtel de la Surintendance des Bâtiments du Roi, un autre bâtiment faisant partie du domaine royal et plus important d’ailleurs que l’hôtel du Grand Contrôle. Un énorme scandale contre lequel personne n’a protesté à l’exception de la Société pour la protection du patrimoine et de l’esthétique de la France.
Le château de Versailles a lancé des travaux consistant à climatiser une partie du château (pardon, à mettre une installation de « refroidissement d’air »…) qui a déjà abouti à installer sous le jardin une énorme machinerie, et qui va ensuite entrainer un chantier très traumatisant dans le château (notamment la dépose temporaire des marbres du Salons de la Paix), mais personne ne proteste.
Le château de Versailles multiplie les restaurations discutables, notamment celle du bassin de Latone qui a été entièrement démonté puis remonté avec une grande partie de marbres neufs et une lourde dorure des sculptures de bronze1, mais personne n’a protesté, à l’exception d’Alexandre Gady, président de la SPPEF, dans un article paru dans L’Estampille-L’Objet d’Art…
Le château de Versailles, non content d’avoir élevé au rang de principe les reconstitutions abusives à l’extérieur (le point d’orgue étant la grille dite royale), les multiplie maintenant à l’intérieur du château (nous y reviendrons bientôt). Nul n’a protesté, à l’exception, une nouvelle fois, d’Alexandre Gady.
Le château de Versailles a creusé largement les parterres du jardin et y a coulé du béton pour installer temporairement les sculptures d’Anish Kapoor. Certes, beaucoup ont protesté, mais pour de très mauvaises raisons, ayant trait à une supposée connotation sexuelle d’une des sculptures, comme si l’on devait censurer l’art contemporain s’il ne se conforme pas au bon goût. Or ce qui est scandaleux dans cette affaire, ce n’est pas l’art d’Anish Kapoor qu’on a le droit d’aimer ou de ne pas aimer. Ce n’est pas forcément l’intrusion de l’art contemporain dans un monument historique même si sur ce plan il serait certainement nécessaire de laisser désormais Versailles tranquille. Ce qui est plus que scandaleux, c’est bien cette agression contre les jardins perpétrée volontairement par ceux qui sont normalement censés les conserver. Et qui a protesté, sur ce point précis, à part nous ? À notre connaissance, personne.
Oui, Versailles n’est, depuis déjà de longues années, qu’une succession de scandales dont sont pleinement responsables le ministère de la Culture, le ministère du Budget (pour la vente de la Surintendance), la présidente de l’établissement public Catherine Pégard (qui ne fait que suivre la tradition de ses prédécesseurs) et la directrice Béatrix Saule (qui a la circonstance aggravante d’être conservateur du patrimoine). Mais la création d’un hôtel tel qu’il est prévu ? Non, cela n’a rien de condamnable.
Notes
1. Nous étions le premier à réclamer la restauration de cette fontaine – certainement pas aussi drastique – puisqu’on nous disait qu’elle était menacée de s’effondrer sur elle-même. Pierre-André Lablaude, l’architecte des monuments historiques en charge des travaux, nous a avoué qu’en réalité la situation était beaucoup moins grave qu’il ne le pensait…