Depuis que Marlène Schiappa attache ses cheveux, selon l’aphorisme désormais classique (« Je m’attache les cheveux pour qu’on écoute ce que je dis », L’Obs, 25 oct. 2017), on l’écoute ; et elle-même réfléchit : aujourd’hui, « Marlène fait de la politique » (émission « L’info du vrai » du 22 nov., présentée par Yves Calvi).
« Il m’est arrivée qu’une directrice d’école, d’une école dont j’avais la responsabilité, fasse appel à moi en me disant à quel point elle était démunie parce qu’il y avait des p’tits garçons, à qui les parents interdisaient de donner la main à des p’tit’s filles, parce qu’ils leur disaient qu’elles n’étaient pas pures, etc. De la même manière, y a des p’tit’s filles de plus en plus jeunes, de sept ans, huit ans, qui ne vont pas à la piscine, parce que leurs parents leur disent qu’elles ne peuvent pas montrer leur corps devant des p’tits garçons, devant des inconnus… Je pense qu’il y a même une régression de l’égalité entre les p’tit’s filles et les p’tits garçons, une remise en danger de la mixité à l’école à plusieurs égards, donc, là, je pense que l’on peut pas généraliser en disant que dans toutes les familles on dise à tous les p’tits garçons qu’ils sont égaux des p’tit’s filles… »
En effet – mais dans quelles familles pratique-t-on ces interdits ? C’est tout ce qu’il manque à la jolie chanson de notre Lili Marlène.
En réalité, c’est ce que les psychologues appellent, il me semble, la « double contrainte » : on est devant deux ordres, dont l’un interdit l’autre, à deux contraintes qui s’opposent, mais que l’on est obligé de suivre également. Ainsi, Mme Schiappa, en tant que ministre de l’égalité entre selzéceux, ne peut pas ne pas dire « qu’il y a une régression de l’égalité entre pt’tit’ filles et p’tits garçons » ; et, en tant qu’antiraciste de propagande, elle ne peut pas nommer les responsables de cette régression. La seule solution pour que notre Cendrillon à chignon chasse de sa pantoufle de vair progressiste ce petit caillou qui gêne l’égalité en marche, est de sacrifier la vérité :
« … et là je vous donne un exemple particulier, mais il y a d’autres exemples dans d’autres communautés, dans d’autres quartiers, partout en France. »
D’autres communautés ? D’autres quartiers ? Partout en France ? Hum… On sent que le mensonge sort le bout de son museau, mais ne montre pas encore toute sa tête. Il faudra une remarque de Mme Béatrice Levet, qui lui fait lucidement remarquer qu’il « faudrait quand même nommer les choses », que « c’est précisément parce qu’il y a d’autres mœurs que les mœurs occidentales qui ont été introduites en France » que ces phénomènes régressifs se multiplient, pour que Mme Schiappa se délivre enfin de sa « double contrainte » :
« C’est pas uniquement pour ça : la réaction, elle est très partagée dans les origines, vous savez… Y a des mouvements, type la Manif pour tous, etc., qui ne sont pas non plus pour des visions extrêmement progressistes de la place de la femme dans la société… Une candidate à l’élection présidentielle, Marine Le Pen, qui n’était pas particulièrement pour le droit des femmes à L’IVG et qui est une femme elle-même, il ne m’est pas apparue qu’elle venait d’une culture particulière [on aimerait bien savoir ce qu’elle cache derrière ce « particulière »]… »
Ainsi, poussée dans ses retranchements, c’est-à-dire sommée de choisir entre deux positions impossibles à tenir, et de prononcer les mots interdits, Mme Schiappa ment : elle nie en innocentant les uns pour accuser les autres ; et finalement, comme on lui demande si ce qu’elle a dit « concernait les familles musulmanes », elle précise :
« Concernait les familles radicalisées, plus que musulmanes, des familles salafistes… »
Elle a raison, Mme Schiappa, depuis qu’elle attache ses cheveux, on l’écoute mieux sosotter ses mensonges ; on la voit mieux se prendre les pieds dans ses passions contradictoires – la victime, comme toujours, est la vérité, qui, au moment où elle aurait pu apparaître, se trouve recouverte par l’idéologie, plus que par les cheveux de sa propagandiste.
Bruno Lafourcade – Riposte laïque