Les nouvelles voix de la RATP!

Le gestionnaire des transports en commun franciliens a organisé un casting auprès de ses agents. Les candidats étaient deux fois plus nombreux qu’en 2005, lors des dernières auditions.

«J’ai bafouillé, non?» À sa sortie du studio, Sophie s’inquiète d’avoir raté son casting. Un collègue la rassure: «mais non, tu étais très bien!» Elle retire de son t-shirt son autocollant qui reprend les couleurs de la Nouvelle Star. Mais elle n’est pas dans les locaux de D8, dont le télécrochet a redémarré en trombe jeudi dernier. Elle fait partie des 78 salariés de la RATP qui concouraient le même jour pour devenir les nouvelles voix du réseau francilien.
Comme en 2005, la RATP a choisi de solliciter ses agents pour incarner ces voix du quotidien, pourtant inconnues des usagers. «Il y a eu deux fois plus de candidats qu’il y a neuf ans, se réjouit Song Phanekham, chargé de l’identité sonore au sein de la RATP et président du jury final. Lors de l’ouverture des inscriptions sur l’intranet, les places ont été prises d’assaut. En quatre jours, tout était complet et nous avons dû ouvrir une liste d’attente!» En tout, 500 salariés -machinistes, opérateurs ou chargés de communication- se sont pressés derrière les micros des castings locaux, organisés en plusieurs endroits de la région parisienne. Surprise: le niveau des candidats a été tellement élevé que la promotion finale est plus fournie que prévu: ils devaient être 50 à obtenir leur ticket pour la finale, ils sont près de 80 à se succéder en studio à la Maison de la RATP.

Les neuf membres du jury, concentrés, écoutent sans les voir les candidats qui se présentent et lisent le texte d’annonces réellement diffusées par la RATP. «Nous vous rappelons que deux poussettes seulement peuvent être dépliées dans ce bus. Merci de bien vouloir replier toutes les autres, merci», récite une candidate en prenant soin de bien détacher chaque syllabe. Sur la feuille de chaque juré, cinq critères permettent de départager les voix des candidats: le dynamisme, la fluidité, l’originalité, la chaleur et si elles sont agréables à entendre. «C’est trop scolaire, trop enfantin», estime une membre du jury. «Moi non plus, je n’accroche pas», renchérit un autre, scellant définitivement le destin de la candidate qui vient de passer.
Seuls vingt chanceux, dix hommes et dix femmes, sont finalement retenus. Les lauréats s’appellent Céline, Laurence, Christian ou Olivier. Sophie monte timidement sur la scène de l’amphithéâtre, encore persuadée d’avoir raté son passage. Elle fait pourtant elle aussi partie des gagnants. Dans quelques semaines, ils enregistreront bénévolement les annonces qui retentiront bientôt dans les nouvelles lignes de tramway mais aussi dans le métro et les bus.

Pour la RATP, mettre à contribution ses propres agents constitue un parti-pris destiné à humaniser les transports en commun franciliens. «Il s’agit de personnaliser le voyage, le rendre plus sympa. C’est important de casser la monotonie des trajets», explique Song Phanekham. Peu d’agences de transport font le pari de voix humaines variées. À Lyon par exemple, elles sont cantonnées aux annonces «inopinées». Pour les annonces classiques, Keolis, l’entreprise gestionnaire des transports en commun lyonnais, préfère avoir recours à une voix de synthèse, toujours la même, afin de ne pas dérouter l’usager.
Certaines voix sont pourtant devenues célèbres, à l’instar de celle de Simone Hérault, qui travaille depuis plus de 30 ans avec la SNCF. À Chicago, Lee Crooks se charge depuis 1998 d’annoncer les quelque 11.000 stations que compte le réseau urbain de transports. L’une comme l’autre sont cependant des professionnels: la première était journaliste radio et comédienne voix-off avant de collaborer avec l’entreprise publique, l’autre était acteur. Passer de la lumière à l’ombre, tel est le destin de ces voix que tous les usagers reconnaissent… sans forcément les connaître.

Source

Related Articles