Par Alain Sanders
Si l’on compte les royaumes et les principautés d’Allemagne, il y avait vingt-deux monarchies en Europe avant 1914. Après la Seconde Guerre mondiale, il n’y en a plus que dix. L’Europe s’en porta-t-elle mieux ? S’en porte-t-elle mieux pour autant ? Certainement pas (mais ça, c’est déjà une autre histoire…).
Celle que nous raconte Jean des Cars dans un de ces livres dont il a le secret, Le Sceptre et le sang (sous-titré « Rois et reines dans la tourmente des deux guerres mondiales »), met en scène – mais ce sont des tragédies – ces dynasties européennes qu’il connaît par cœur et mieux : avec le cœur (1). Elle furent embarquées, puis emportées, dans des guerres dont elles portent elles aussi (au moins pour la première) la responsabilité.
La Première Guerre mondiale provoqua l’effondrement de l’empire allemand, de la Russie et de l’Autriche-Hongrie (et de l’empire ottoman, mais là nous ne sommes plus en Europe). Ils furent trois à s’acharner surtout sur la catholique Autriche-Hongrie : Clemenceau, Wilson et Lloyd George. Trois francs-maçons, certes. Mais rappelons ce que disait Jacques Bainville à propos d’un autre cataclysme, qui convient à notre sujet (bien que les rois ne soient pas des sujets…) : « Celui qui expliquerait la Révolution française sans tenir compte du rôle de la franc-maçonnerie serait un imbécile. Celui qui expliquerait la Révolution française en ne tenant compte que du rôle de la franc-maçonnerie serait aussi un imbécile. »
Car si ces monarques, quasiment tous unis par les liens du sang, surent parfois s’unir et résister à leurs ennemis communs, ils s’entre-combattirent aussi, contribuant à scier la branche sur laquelle ils étaient installés.
Six chapitres (et quelque 170 sous-chapitres) dans ce monument de près de 500 pages pour raconter la marche à l’abîme : « Les années dangereuses, 1908-1914 » ; « Sarajevo entre paix et guerre, 28 juin-28 juillet 1914 » ; « Alliés ? Ennemis ? Neutres ? Les monarchies face à la guerre 1914-1916 » ; « Le glas des empires, 1917-1918 » ; « Des illusions de la paix à un nouveau cataclysme, 1919-1939 » ; « Quelles monarchies survivront au second séisme ? 1939-1947 ».
Des dynasties. Des souverains. Des monarques. Mais aussi – et Jean des Cars excelle à leur donner « chair » – des hommes et des femmes. On le sait : là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie…
Qui étaient-ils ? Qui étaient-elles ? Jean des Cars écrit : « C’est (…) un regard essentiellement humain que propose cet ouvrage sur deux guerres mondiales et un entre-deux-guerres d’abord prometteur, puis brutal et tourmenté dans la montée des totalitarismes. » Chassez le roi et vous avez la Terreur et ses deux héritiers directs : le nazisme et le communisme.
Après un demi-siècle « où la peur a côtoyé la grandeur et la barbarie la geste héroïque », l’Europe des rois existe encore. Elle peut demain – en Roumanie, en Bulgarie, en Serbie, en Albanie, au Monténégro, et pourquoi pas en Grèce – nous étonner encore, cette Europe-là que nous pourrions aimer.
(1) La Saga des Romanov, La Saga des Habsbourg, La Saga des Windsor, La Saga des reines, etc. Editions Perrin.