L’ancien garde des Sceaux socialiste Jean-Jacques Urvoas (2016-2017), reconnu coupable d’avoir transmis en mai 2017 au député (LR) Thierry Solère des informations judiciaires le concernant dans l’enquête préliminaire le visant pour fraude fiscale, a été condamné lundi à un mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende par la Cour de justice de la République.
Des faits reconnus par Urvoas
Rappelons qu’Urvoas, huitième ministre à comparaître depuis 1999 devant la CJR, la seule juridiction habilitée à juger des délits commis par des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, était poursuivi pour avoir transmis à Thierry Solère, en mai 2017, alors qu’il occupait le ministère de la Justice, une fiche de la Direction des affaires criminelles et des grâces sur l’avancement d’une enquête visant le député des Hauts-de-Seine, qui appartenait alors aux Républicains, puis un e-mail via la messagerie chiffrée Telegram. Soupçonné de fraude fiscale, Solère faisait alors l’objet d’une enquête préliminaire, qui est passée en février dernier au stade de l’information judiciaire. Des faits que Jean-Jacques Urvoas n’avait pas contestés devant la justice, mais qu’il avait tenté de justifier en expliquant qu’il n’était tenu, au moment où il les avait commis, par aucun secret professionnel. Cependant, la CJR, composée de trois magistrats et douze parlementaires, présidée par Jean-Baptiste Parlos, estimant que « le fait qu’aucun texte n’impose au garde des Sceaux le respect d’un secret professionnel est sans incidence sur l’application de l’article 226-13 du Code pénal », a fait capoter la défense de l’ancien ministre socialiste.
Le parquet n’a pas été suivi
« Si le ministre n’est plus tenu au secret de l’enquête et de l’instruction, en ce qu’il ne concourt plus à la procédure, a poursuivi la CJR, il n’en est pas moins tenu au secret qu’impose la nature des informations qui lui sont transmises en raison de ses fonctions. » En « juriste expérimenté, maître de conférences en droit public », a-t-elle ajouté, Jean-Jacques Urvoas ne pouvait ignorer qu’il commettait un délit en transmettant ces informations à une personne visée par une enquête en cours. D’autant que lesdites informations n’avaient pas été publiées par la presse et étaient susceptibles de favoriser le député, notamment en ce qui concernait l’intervention de la chambre régionale des comptes et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Cependant, notant par ailleurs que son geste n’avait pas entravé l’enquête, la CJR a refusé de suivre le parquet qui avait requis à l’encontre d’Urvoas un an de prison avec sursis. Ramenant la peine à un mois avec sursis, elle l’a en revanche assortie d’une amende de 5 000 euros que l’accusation n’avait pas demandée. Disposant de cinq jours pour former un pourvoi en cassation, les arrêts de la CJR n’étant pas susceptibles d’appel, l’ancien ministre socialiste n’a pas encore fait connaître sa décision. •
Franck Deletraz – Présent