J’en connais, assez nombreux il faut l’avouer, à qui la chose avait échappé : la LICRA a de l’humour. Elle en a même fait le thème de sa Ve Université qui se tiendra au Pasino du Havre du 9 au 11 octobre prochain : « Faites l’humour pas la haine ». On s’en tient déjà les côtes…
« En 2015 plus que jamais, l’humour s’impose comme une arme pour désamorcer le racisme, l’antisémitisme et le rejet de l’Autre », nous disent ces joyeux drilles qui, du coup, nous invitent à venir leur taper sur les cuisses : « Venez rire avec nous aux Universités de la LICRA ! »
En cette année placée sous les signes conjoints de « l’esprit du 11 janvier » et de la chèvre chinoise, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme a décidé de mettre un frein à sa vindicte judiciaire. Ces pourfendeurs de racisme se demandent ainsi : « Étions-nous plus libres dans les années 1980 ? Aujourd’hui, où en est-on après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher ? Les humoristes brident-ils leur parole pour éviter le pire ou usent-ils d’autres subterfuges pour faire passer leurs messages ? » Grave question s’il en est.
Interrogé sur RTL, Alain Jakubowicz, patron de la LICRA, disait hier regretter le procès intenté à Philippe Bouvard en 1995 pour provocation à la discrimination à la haine ou à la violence raciale, après qu’il eut rapporté à l’antenne une blague de Vincent Perrot. Ce procès, reconnaît-il aujourd’hui, a ouvert une longue série qui fait que chacun, depuis lors, s’autocensure par peur des procès. Dorénavant, dit-il, il faut « que les humoristes se lâchent ». Toutefois, n’exagérons rien. On aurait tort de croire que la liberté de rigoler est un droit qui s’applique à tous, car si ce monsieur a des regrets, ils sont toutefois très nuancés. « Il faut savoir qui parle », dit-il, et quelles sont ses intentions. On ne saurait en effet confondre Bénichou et Dieudonné, Bedos et Morano. Bref, l’injonction selon laquelle on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui est plus que jamais d’actualité.
Confrontés que nous sommes aux affres du choix, les invités aux débats et tables rondes des Universités de la LICRA devraient permettre de se faire une idée d’avec qui et comment l’on peut rire. Faudrait pas se faire pincer avec un ticket du théâtre de la Main d’Or dans sa poche. En revanche, à voir le nombre d’interventions dudit Bénichou, on comprend que, pour la posologie, les « Grosses Têtes » de Ruquier soient chaudement recommandées en dose quotidienne. Et puis aussi un certain Pierre Fatus, que j’avoue ne pas connaître, mais qui est très fashion en maillot LICRA. Il va présenter aux Universités son « one-man-show antiraciste qui se veut poétique et politique », celui-là même qu’il a donné en juin dernier dans une salle offerte par la mairie de Bordeaux pour contrer l’affreux Dieudonné dont on avait en vain tenté d’annuler le spectacle. « Je ne suis pas un produit de la LICRA, mais un artiste libre », confiait alors Fatus à l’AFP. « Je reste un clown mais ça ne m’empêche pas de montrer les dents. » Préparez-vous, ça va saigner !
Ah oui, et puis il y a aussi le super-rebelle Christophe Alévêque et Farid Abdelkrim pour mettre un petit zeste de diversité. Gentil garçon, ce Farid, qui sert à tout. Enfin bon, pas sûr que je m’inscrive cette année encore aux Universités de la LICRA. C’est pas que je m’y sentirais mal, mais j’ai des patates à dégermer avant l’hiver. Ça n’attend pas.