Après de nombreuses tergiversations, Emmanuel Macron vient de désigner la représentante de la France dans la nouvelle Commission européenne, commission qui entrera en fonction le 1er novembre et qui sera présidée par l’Allemande Ursula von der Leyen. A croire que Macron n’a qu’un carnet d’adresses très mince, ou qu’il n’a confiance qu’en un nombre limité de personnes : il a choisi Sylvie Goulard, l’ex-ministre des Armées. L’Elysée explique : « Sylvie Goulard dispose à la fois de l’expérience nécessaire et d’une vision. Elle a travaillé avec le président de la Commission européenne Romano Prodi. Elle a été élue eurodéputée. Elle est polyglotte (anglais, allemand, italien) [Pour trois langues, le terme serait plutôt “trilingue” mais “polyglotte”, cela fait plus chic], elle a participé à la rédaction du programme d’Emmanuel Macron à la présidentielle sur le volet européen. C’est une engagée de la première heure. »
Cette nomination sera-t-elle validée ? La Commission est tatillonne sur la transparence et l’éthique, ce qui a eu comme conséquence (en dehors de l’aspect purement politique) qu’elle s’en prenne en 2017 à Marine Le Pen et à un certain nombre de députés FN. Rappelons que la présidente du RN avait été mise en examen en octobre 2018 pour détournement de fonds publics dans le cadre de l’enquête sur les soupçons d’emplois fictifs du FN au Parlement européen (elle avait déjà été mise en examen en juin 2017 dans ce même dossier, pour abus de confiance et complicité d’abus de confiance).
Or l’affaire des emplois fictifs présumés des assistants des eurodéputés ne concerne pas que le RN, elle touche aussi le MoDem. Sylvie Goulard fut députée européenne du MoDem jusqu’en 2014. Le parquet de Paris en juin 2017 a ouvert contre certains cadres du mouvement centriste une enquête préliminaire pour « abus de confiance » et « recel ». Celle-ci avait entraîné la démission de Sylvie Goulard de son poste de ministre des Armées alors qu’elle venait d’être nommée. Son départ par un effet domino avait contraint à la démission François Bayrou et Marielle de Sarnez. Un différend s’était ensuivi entre ces trois personnages. C’est pourquoi Emmanuel Macron a sondé il y a plusieurs semaines François Bayrou, son principal allié gouvernemental, sur la désignation de sa protégée à Bruxelles. Difficile de savoir ce qu’en a pensé le Béarnais qui depuis son départ du gouvernement ne porte pas Sylvie Goulard dans son cœur.
La Commission européenne appliquera-t-elle un « deux poids, deux mesures » entre la bobo européiste et la patriote française ? (Ce deux poids, deux mesures, la justice française à l’air de l’appliquer puisque pour l’instant l’enquête paraît au point mort pour le MoDem.) Il est facile d’imaginer le casse-tête chinois que va vivre la Commission : soit elle confirme Mme Goulard mais alors il lui sera difficile d’expliquer les poursuites contre Marine, soit elle infirme la désignation et Macron est désavoué, lui l’européiste, par la plus haute instance de l’UE. Même si c’est ce dernier point qui prime, l’ex-ministre ne sera pas perdante puisqu’elle pourra toujours continuer à exercer son poste de sous-gouverneur de la Banque de France, poste qui lui a été généreusement accordé par le Conseil des ministres. •
Guillaume Bernadac – Présent