Si l’expression ne risquait pas d’être inconvenante, on dirait de l’abbé de Tanoüarn que « ce diable d’homme » est présent sur tous les fronts : journaliste à Monde et Vie, responsable à Radio Courtoisie d’une émission littéraire mensuelle, Voix au chapitre, animateur de Métablog sur la « toile », auteur de nombreux ouvrages (le dernier, Une histoire du mal chez Via Romana) mais surtout pasteur et créateur du Centre Saint-Paul, dans le IIe arrondissement de Paris. C’est à ce dernier rôle si important que nous nous sommes attachés.
— Monsieur l’abbé, quand avez-vous créé le Centre Saint-Paul et de quoi s’agit-il ?
— Le Centre Saint-Paul a été créé le 1er mai 2005. On y trouve actuellement trois prêtres de l’Institut du Bon Pasteur à plein-temps, auxquels s’ajoutent d’autres prêtres qui passent, par exemple l’abbé Néri qui y célèbre sa messe de 10 heures tous les dimanches.
Ayant passé une quinzaine d’années à Saint-Nicolas du Chardonnet, de 1991 à 2005, j’ai acquis une certaine expérience de l’apostolat dans toutes les directions. Saint-Nicolas est une église ouverte sur le monde, au cœur du Quartier latin. J’y ai appris à ne pas avoir peur du monde. Le Christ ne dit-il pas lui-même : « Ayez confiance, petit troupeau, j’ai vaincu le monde. » Même si l’on trouve aujourd’hui de moins en moins de chrétiens – en tout cas déclarés – l’Evangile demeure le ferment dans la pâte. Il offre à l’homme sa vérité, plus que jamais d’actualité. S’il existe une chose que je ne comprends pas, c’est qu’on ait pu se mettre en peine, au concile Vatican II, « d’actualiser l’Evangile ». L’Evangile est ce redoutable miroir où l’homme se voit non tel qu’il est mais tel qu’il devrait être : Ecce homo.
— Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer le Centre Saint-Paul ?
— Après mon départ de la Fraternité Saint-Pie X, il m’est apparu que le combat pour lequel j’avais, par la grâce de Dieu, le plus de dispositions était le combat culturel. Non pas à la recherche d’une impossible adaptation – voilà l’utopie, voilà l’imposture ! – mais pour montrer aux hommes qui seraient prêts à prendre le temps de l’entendre combien le pur Evangile transmis comme de main en main par l’Eglise catholique est aussi, pour chacun, le ferment de la seule Révolution qui tienne, la chrétienne.
— Vous organisez chaque semaine une conférence hebdomadaire. N’est-ce pas un tour de force ?
— Le drame de notre époque est que la télévision montre toujours les mêmes têtes, toujours le même petit nombre de personnes et qu’il existe beaucoup de gens qui ont des choses à dire même si, et surtout parce que, on ne les voit pas « à la télé ». De ce point de vue, le travail que je fais à Radio Courtoisie avec vous, chère Anne Le Pape, me permet de rencontrer des personnalités qui ont des choses à dire.
— Il s’agit d’une question qui fâche ou je peux vous demander si vous pensez obtenir un beau jour la disposition d’une église parisienne ?
— Nous existons depuis neuf ans, par tous les temps, et l’on peut dire que le Centre Saint-Paul a démontré sa capacité à attirer toujours de nouveaux publics, de manière paisible et sans jamais créer l’incident. Il me semble que le temps milite en notre faveur auprès de l’archevêque. Mais je ne suis pas dans sa peau et j’avoue que je suis un très mauvais courtisan. Il nous permet, d’ores et déjà, de mener un apostolat fructueux, en particulier auprès de ce que le pape appelle « les périphéries » mais aussi auprès de tous ceux qui aspirent à ce que l’Eglise tienne un discours fort dans le monde d’aujourd’hui. Je profite de cet entretien pour le remercier de sa hauteur de vue et de sa charité.
— Le temps pascal cette année, temps de joie s’il en est, est un peu gâché par un regret et on en arrive à déplorer la fin du carême. En effet, la lecture de votre petit guide « 40 paroles d’Evangile » ne nous accompagne plus…
— J’ai été très surpris du succès de cette petite plaquette dans laquelle je prenais chaque évangile du jour en en faisant un commentaire. Dans le rite traditionnel, le carême est une période extrêmement riche de textes : on y lit des épisodes aussi connus que l’Enfant prodigue, la Femme adultère ou la résurrection de Lazare. Pour chacun de ces évangiles, j’ai proposé une méditation en essayant de serrer la lettre au plus près, sans avoir trop égard à ce que mon cher Cajétan appelait « le torrent des docteurs ». La plupart de ces textes sont parus sur Métablog à l’occasion du carême de 2011 et je les ai retravaillés pour cette plaquette. Nous en avons vendu 600 simplement au Centre Saint-Paul et j’ai eu de nombreux retours positifs, certains me demandant d’étendre au reste de l’année liturgique cette initiative.
J’ai donc décidé de me mettre au travail pour l’été et, à partir du 15 juin prochain, vous trouverez au Centre Saint-Paul un petit opuscule dont je n’ai pas encore arrêté le titre. L’idée est que chacun puisse emporter quelque chose de l’Esprit Saint dans son sac de plage.
Certes, le calendrier traditionnel est moins riche pour cette période mais je m’appuierai sur le tout nouveau missel publié par Le Barroux, qui a l’intelligence de proposer chaque jour non seulement les saints du calendrier romain mais les saints fêtés dans certains lieux et qui sont parfois pourtant très importants.
— Avez-vous un autre ouvrage en préparation ?
— Dans mon prochain livre, j’essaierai de parler du bien, en particulier du bien commun. Je voudrais réfléchir sur ce que peut être notre bien commun aujourd’hui, bien commun des Français, bien commun des Européens. Pie XII parlait d’un bien commun mondial, repris par Benoît XVI. J’essaierai de savoir si cette perspective mondialisante repose sur une réalité humaine, à l’heure où les communications sur notre planète sont de plus en plus aisées. Au fond, la question qui nous est posée est une question qui fait vibrer le cœur de tous les catholiques mais c’est par antonomase, puisque c’est la signification même du terme « catholique » : j’essaierai de poser en chrétien la question de l’universel.
— Monsieur l’abbé, qu’est-ce qu’évangéliser aujourd’hui ?
— Evangéliser aujourd’hui, c’est permettre à chacun d’aller au-delà du conditionnement antichrétien qui règne dans notre société libérale-libertaire, pour se poser la question fondamentale de la vie, de la mort et du salut. C’est donc à la fois beaucoup plus simple et beaucoup plus compliqué qu’on ne le croit. Beaucoup plus simple parce qu’il s’agit de poser à chacun, sans concession, la question essentielle de son identité spirituelle, et beaucoup plus compliqué parce que les évangélisateurs eux-mêmes sont inhibés par la chape de plomb matérialiste qui nous tombe dessus. Il s’agit en fait de montrer que nous avons le choix entre la vie et rien – la vie du Christ mort et ressuscité des morts, et ce rien que les Grecs avaient bien représenté à travers la fameuse image de Damoclès, cet homme qui vivait dans le luxe et le plaisir à une seule condition : c’est qu’à tout instant, une épée suspendue à un fil se trouvât, menaçante, au-dessus de sa tête…
• Centre Saint-Paul, 12 rue Saint-Joseph 75002 Paris.
Tél. : 09 52 21 77 89 ou 06 15 10 75 82