On connaît la parole du Christ aux pharisiens qui voulaient faire taire les acclamations lors de son entrée à Jérusalem : « Si ceux-ci se taisent, les pierres crieront ! »
Eh bien, c’est ce qui se passe après le discours-fleuve du président Macron contre l’Etat français de 1940-1944, prononcé le 16 juillet près du site du Vel d’Hiv. La droite parlementaire se tait, la presse bourgeoise aussi. Mais Charlie-Hebdo (26 juillet) défend Pétain, par la plume d’un des historiens-maison, Laurent Joly, auteur naguère d’un Xavier Vallat (qui s’intitulerait plus justement Xavier Vallat et les Juifs tant il se désintéresse de tout ce qui, dans la vie de Vallat, ne touche pas à cette question).
Titre courageux : « Macron prend Vichy pour la Kommandantur ». Sous-titre : « Lors de son discours, en voulant faire plus fort que Chirac, le président de la République s’est surtout emmêlé la mémoire. »
Laurent Joly poursuit : « On ressent un certain malaise à l’écoute du discours présidentiel, à la fois familier (“Cher Bibi… cher Serge… mes amis”), un peu trop déclamatoire et long (35 minutes, quand celui de Chirac en 1995 n’atteignait pas les dix !), mais surtout bien éloigné de la réalité historique. » Et Joly explique très bien que, prétendant « perpétuer le fil tendu par Jacques Chirac, c’est plutôt le fil tendu par François Hollande en 2012 qu’il use jusqu’à la corde ». Hollande avait en effet pratiqué une « étrange décontextualisation », évitant les mots « occupant » ou « nazi », pour davantage culpabiliser la France. « Macron surenchérit », alors que « Vichy a organisé la rafle sur ordre des Allemands, qui décidaient de la déportation et de la mort des juifs ; (…) Macron ramène tout à l’antisémitisme et au racisme, en somme à l’idéologie du mal ; tout s’explique par l’antisémitisme meurtrier de Darquier de Pellepoix (étonnamment le grand personnage du discours), de Céline, de Je Suis Partout ; mais cette analyse (…) passe à côté de l’essentiel ; en vérité, Darquier n’a joué qu’un rôle de figurant dans l’organisation de la rafle, (…) il faut rappeler les faits : en juin 1942, Berlin décide d’accélérer le calendrier de la solution finale pour l’Europe de l’Ouest, à Paris les autorités SS réclament la livraison de 40 000 juifs ».
Joly conclut : « La xénophobie (mot absent du discours présidentiel), l’engrenage de la collaboration, l’esprit de soumission, le pouvoir à tout prix, tels étaient les ressorts de Laval, de Bousquet, du préfet Bussière… » On peut ne pas partager cette conclusion, et regretter que l’historien de Charlie n’aille pas au bout de sa « contextualisation » : les négociations françaises pour réduire le nombre de victimes, épargner les juifs français, etc. (voir nos éditions du 18 juillet, p. 1, et du 21 juillet, p. 4). Mais il est bien le seul à ce jour (avec Zemmour en d’autres temps) à avoir osé, dans un organe de grande diffusion, contredire l’idéologie correcte et les mensonges d’Etat de l’Elysée sur Vichy et le Maréchal.
François Lecomte –