Vendredi dernier, une cérémonie très particulière s’est déroulée à Aubagne, maison mère de la Légion étrangère. Une cérémonie insolite mais sans doute autrement plus sincère que toutes ces remises de décoration convenues dans l’entre-soi d’un salon ministériel lambrissé. Jean-Paul Belmondo, entouré de légionnaires, recevait le célèbre képi blanc des mains du général de division Jean Maurin, « Père Légion ».
La Légion voulait ainsi honorer notre Bébél national qui incarna le sergent de la Légion étrangère Augagneur dans Les Morfalous, film d’Henri Verneuil, sorti en 1984. Un sergent gouailleur au langage fleuri, comme on l’a toujours cultivé dans les rangs de cette troupe d’élite. Un beau terrain de manœuvre, en tout cas, pour le dialoguiste Michel Audiard. « Pourquoi t’appelles pas ça la chiasse ? », demande le légionnaire Michel Creton à l’artilleur Jacques Villeret, claquemuré dans les commodités inconfortables d’une maison abandonnée. « Ah, parce que la chiasse, ça veut dire la courante, ça veut dire la pétoche. La dysenterie, c’est technique.
C’est dans les manuels », explique le sergent Belmondo ! Audiard s’en donne aussi à cœur joie dans cette réplique du banquier François Laroche-Fréon, incarné par François Perrot, époux de la belle Hélène Laroche-Fréon, jouée par Marie Laforêt : « Après avoir été longtemps des héros de Courteline, les adjudants sont en train de devenir des personnages de Freud. » Ou encore dans ce dialogue entre l’adjudant Mahuzard (Michel Constantin) et le brigadier Béral (Jacques Villeret) :
– « Les conneries, on les fait avant d’entrer à la Légion, pas pendant ! »
– « Ah, pardon, en ce qui me concerne, je ne suis pas limité dans le temps, je ne suis pas légionnaire. »
Car, c’est bien connu, depuis sa création en 1831, la Légion étrangère a accueilli autant de princes que de mauvais garçons. C’est, du reste, sans doute la raison pour laquelle elle a toujours exercé une certaine fascination pour le 7e art, tant en France qu’à l’étranger. Nous ne passerons pas en revue tous les films, la place d’armes de Boulevard Voltaire étant trop petite, mais évoquerons seulement quelques acteurs français emblématiques qui incarnèrent des légionnaires.
Fernandel, tout d’abord, dans Un de la Légion, un film sorti en 1936, la même année où Marie Dubas interprétait « Le Fanion de la Légion », une chanson tout à la gloire de ceux qui, le torse nu, faisaient face là-haut, dans le bastion, aux assauts des « salopards »… Édith Piaf assura la relève en reprenant la chanson en 1937. Mais je me perds dans les sables chauds du désert… Revenons à Fernandel ! Un de la Légion, donc, un film de Christian-Jaque, raconte l’histoire classique de celui qui refait sa vie dans les rangs de la Légion. Dominé par sa femme Toutoune, il se retrouve malgré lui embarqué dans un bateau en partance pour l’Algérie, enrôlé par erreur pour finir en héros. La libération de l’homme par la Légion, en somme ! Pas très à la mode par nos temps féministes qui courent.
En 1961, Charles Aznavour interprète un juif, Samuel Goldmann, engagé dans la Légion, dans le film de Denys de La Patellière, Un taxi pour Tobrouk. Charles Azanavour, en plein milieu du désert de Libye, donne une réplique concoctée par Michel Audiard au matelot Lino Ventura : « À mon avis, dans la guerre, il y a une chose attractive : c’est le défilé de la victoire. L’emmerdant, c’est tout ce qui se passe avant. Il faudrait toucher sa prime d’engagement et défiler tout de suite. Avant que ça se gâte… »
Et comment ne pas évoquer le comte Enguerrand de Montignac qui, jeune légionnaire sous le nom de Legrain, un soir de fiesta, s’était fait tatouer un Modigliani dans le dos ? Autre film de La Patellière où Gabin met au pas cadencé Louis de Funès…
Si les amours du cinéma avec la Légion vous passionnent, vous avez jusqu’au 27 août pour aller voir l’exposition temporaire « Légion et cinéma » au musée de la Légion à Aubagne.
Et, pour l’heure, légionnaires Fernandel, Aznavour, Gabin, Belmondo et tant d’autres, repos !
Boulevard Voltaire