Dans les années 2000, les téléphones portables faisaient leur apparition dans les cours des collèges, avec leurs claviers à 12 touches et des SMS limités à 160 caractères. Un frisson de panique parcourt alors les échines des professeurs de français. Des abréviations barbares, mélangeant des transcriptions phonétiques aux licences orthographiques les plus osées, naissent sous les doigts des adolescents de l’époque. Ces adolescents ont grandi, et les téléphones ont changé. Les claviers tactiles des smartphones et leurs correcteurs orthographiques auraient pu éradiquer le langage SMS, et pourtant, il survit tant bien que mal. De nouvelles expressions voient même le jour.
● Qu’est-ce que le langage SMS?
C’est une question plus compliquée qu’elle n’en a l’air. En fait, quand on parle de langage SMS, on ne parle ni de langage, ni de SMS. Certains chercheurs préfèrent parler «d’écrit SMS», ou de pratique linguistique. Elle n’est d’ailleurs pas réservée aux messages envoyés par téléphone. Aujourd’hui, les adolescents emploient le langage SMS sur WhatsApp, Snapchat, Twitter et Instagram. Les messages traditionnels ne servent plus qu’à converser avec leurs parents. Le langage SMS est un mélange de réduction orthographique et de jargon numérique.
«LOL» et «MDR», versions anglophone et francophone de «mort de rire», sont de célèbres termes de langage SMS. Pourtant, «LOL» est né dans les années 80, lorsque les téléphones portables ressemblaient à des armoires. Le précieux site Know Your Meme retrace son étymologie aux premiers forums Internet. La première trace conservée de cette abréviation date d’une lettre d’information de 1989, aux côtés de BRB (Be right back, «je reviens tout de suite») et de nombreux autres acronymes désormais dépassés. Dire «langage SMS», c’est donc, en quelque sorte, un abus de langage.
● Les smartphones n’ont rien changé?
L’arrivée des smartphones, dotés de clavers «AZERTY» et de correcteurs d’orthographe, a bien évidement changé l’utilisation du langage SMS. C’est une question pratique. À l’époque des claviers numériques de téléphones portables, il était judicieux d’utiliser les chiffres phonétiquement pour remplacer des mots. Par exemple: «koi 2 9» pour «quoi de neuf?». Désormais, puisqu’il faut changer de clavier pour avoir accès aux chiffres sur les smartphones, il est plus rapide d’écrire le mot en entier.
D’autres pratiques sont aussi en déclin. Les lettres muettes au conditionnel ou à l’imparfait singulier, sont moins souvent éludées: les correcteurs orthographiques corrigent ces fautes. Et le langage SMS n’est plus là pour être tapé rapidement. Quand quelqu’un est vraiment mort de rire et qu’il le signale en écrivant «Mdrrrrrrrrrr», ce qui ne raccourcit pas du tout son propos, il utilise quand même du langage SMS.
● Y a-t-il alors un nouveau langage SMS?
Le langage SMS étant une sorte d’argot numérique, il est logique qu’il évolue à la vitesse d’une langue vernaculaire. On peut noter des emprunts plus importants aux langues étrangères – anglais et arabe -, et des abréviations qui raccourcissent parfois des phrases entières. Quand un adolescent écrit «jpp» sur les réseaux sociaux, il veut dire «Je n’en peux plus» et non «Jean-Pierre Pernaut» ou «Jean-Pierre Papin». Voici un bref lexique des termes les plus cryptiques pour ne pas être perdu:
askip: «À ce qu’il paraît.» Souvent employé pour propager ou lancer une rumeur.
blc: «Je m’en bats les c…» On peut imaginer que certains utilisent cet acronyme par pudeur.
jdcjdr: «Je dis ça, je dis rien.» C’est un exemple typique de langage SMS produit par des personnes… âgées.
jsp et jpp: «Je ne sais pas» et «Je n’en peux plus».
msk: «Miskine.» Ce terme arabe exprime la pitié (quand on est sympathique) ou le mépris (quand on est moins sympathique). Il est parfois vidé de son sens pour devenir une interjection assez générique.
oklm: «Au calme.» Cette abréviation a été récemment popularisée par le single du même nom du rappeur Booba. On utilise plutôt «oklm» pour décrire l’état d’esprit d’une personne détendue, qui fait fi de tout stress.
wsh et wlh: «Wesh» et «Wallah», deux expressions issues de l’arabe, qui n’ont aucun lien, mais qui sont souvent utilisées de la même façon. «Wallah» est, à l’origine, une façon de jurer «par Allah», qui est devenu, peu à peu, une interjection similaire à «j’te jure». «Wesh» est une interjection classique.
yolo: «You only live once», «On ne vit qu’une fois». Cette maxime pleine de sagesse a fait son apparition en 2011, popularisée par le rappeur Drake. L’acronyme, jugé plutôt niais, est souvent utilisé de façon ironique. Vieille de 4 ans, elle est déjà un peu datée.