Love, le long-métrage de Gaspar Noé a échappé à la restriction souhaitée par Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication. Avant lui, de nombreuses œuvres – Pierrot le fou, Mad Max – ont subi les foudres de la censure. Petit historique.
Love ne sera pas interdit aux moins de 18 ans, seulement aux moins de 16 ans, a décidé le CNC (Centre National du Cinéma). La nouvelle a été confirmée, mardi 30 juin, par le réalisateur argentin au magazine Première. Comme de nombreux films avant lui, il a échappé de justesse à cette restriction.
Pratique courante tout au long des «Trente Glorieuses», cette classification est devenue de plus en plus rare et est désormais réservée aux films considérés comme pornographiques ou présentant une violence extrême. Depuis l’an 2000 onze films seulement ont reçu une interdiction aux moins de 18 ans, dont: Baise-moi (2000) de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi, Ken Park (2003) de Larry Clark et Edward Lachman, Saw 3 (2006) de Darren Lynn Bousman, Saw 3D (2010) de Kevin Greutert, Il n’y a pas de rapport sexuel (2012) de Raphaël Siboni et Nymphomaniac – Volume 2 (2014) de Lars Von Trier.
Les raisons invoquées sont simples: pornographie, violence, sadisme… Mad Max de George Miller fut ainsi classé «X-Violence» en 1979, avant de pouvoir être distribué en France en 1982, interdit aux moins de 18 ans. Quelques années auparavant, en 1976, Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini connu un sort similaire avant d’être autorisé à sortir dans une salle.
En 1970, l’ambiguïté de certaines scènes d’Orange Mécanique de Stanley Kubrick justifiait aux yeux de la Commission une interdiction aux moins de 18 ans. Pour une poignée de dollars et Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone furent accusés en 1966 d’apologie de la violence.
Dans les années 1960, ces interdictions aux mineurs répondaient aussi au désarroi des censeurs face à la représentation d’actes sexuels, comme dans Le Silence (Ingmar Bergman, 1964) et Zabriskie Point (Michelangelo Antonioni, 1969), ou à la crudité du langage, comme dans Masculin Féminin (Jean-Luc Godard, 1966) où Chantal Goya ose prononcer cette phrase: «J’aime bien que Paul soit amoureux de moi. Baiser avec lui..Pourquoi pas?»
À cette époque, Jean-Luc Godard rencontre de multiples démêlés avec la censure et multiplie les moqueries à l’égard de la Commission de classification. Dans la bande-annonce de Masculin Féminin, le cinéaste transforme la phrase «Bientôt sur cet écran» en «Bien sûr interdit aux moins de 18 ans puisqu’il parle d’eux». Dans Tirez sur le pianiste (1960), François Truffaut se moque aussi de ces convenances dans la scène où Charles Aznavour remonte le drap sur la poitrine nue de Michèle Mercier en s’écriant: «Au cinéma, c’est ça et pas autrement!»
La violence et l’érotisme gênent, mais pas seulement. Il en va de même pour les allusions politiques et les attitudes jugées anticonformistes – tout ce qui peut être alors considéré comme subversif. Ainsi Pierrot le fou (Jean-Luc Godard, 1965) est interdit aux moins de 18 ans pour son «anarchisme intellectuel et moral», Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot (Jacques Rivette, 1967) pour «blasphémation» et La Femme infidèle (Claude Chabrol, 1970) pour mettre en scène un «milieu familial sous un jour un peu édifiant». D’autant qu’une scène de ce film présente comment nettoyer une scène de crime…
Un sort identique attend La Bande à Bonnot (1968) avec Jacques Brel et Bruno Cremer, évocation du célèbre anarchiste dont l’ambition est de «rendre à Bonnot les hommages qui lui sont dus». Mais aussi Solo (Jean-Pierre Mocky, 1969). La commission ne craint que cette histoire d’un homme à la recherche de son jeune frère entraîné par un groupe de terroristes issu de Mai 68 «incite certains adolescents à des actes de criminalité». Cette interdiction n’empêchera pas le film d’attirer 660 000 entrées.
Dans la majorité des cas, ces restrictions furent temporaires et rapidement commuées, après coupures néanmoins. En 1990, les paliers ont été réajustés: l’interdiction aux moins de 13 ans est passée à 12, celle aux moins de 18 ans à 16 ans. Beaucoup de films comme La Femme infidèle, Masculin Féminin ou encore Le Bon, la brute et le truand sont désormais tout public.