Il y a eu Giscard à l’accordéon, chanté par Michel Delpech, et d’Estaing présentant sa femme, façon pot de fleurs sur le rebord de la cheminée, pour ses vœux aux Français. Puis Lionel Jospin chantant « Les Feuilles mortes » à la télévision, Jean-Louis Borloo et Dominique Strauss-Kahn exposant leurs couples modèles à la une des gazettes : après la cause du peuple, celle du people ?
Avec Emmanuel et Brigitte Macron, le grand déballage intime est passé du bricolage artisanal au stade industriel : en 2016, dix couvertures de VSD, quatre de Paris Match, deux de Closer et une de Voici.
Certes, une écrasante partie des médias roule pour le candidat en marche, mais les journaux people obéissent à une logique autrement plus commerciale. Quand Paris Match consacre sa une au couple Fillon, il divise ses ventes par deux alors qu’avec celui des Macron, ces mêmes ventes sont quasiment multipliées par deux. Loi du marché, donc. Ainsi le couple Macron est-il glamour, parce qu’il le vaut bien ; parce qu’il le veut bien, et surtout parce qu’il fait tout pour.
Au cœur de ce dispositif, Michèle Marchand qui, avec sa société Bestimage, fait la pluie et le beau temps sur ce secteur éminemment concurrentiel, et détient, de plus, un contrat d’exclusivité avec le couple en question.
Et Sylvain Fort, porte-parole d’En marche !, de confier à L’Obs : « Cela permet de mieux maîtriser leur image, le choix des photos qui circulent sur eux. Quand ils sont victimes d’une paparazzade, ils font appel à un photographe de l’agence, ils sont sûrs, ainsi, d’avoir des clichés plus avantageux. »
On notera qu’Emmanuel Macron ferait peut-être mieux de consacrer plus d’efforts à la construction de son programme, lequel est pour l’instant plus qu’évasif, ainsi qu’à la rédaction des fiches que lui fournissent ses proches collaborateurs, que ce soit en matière d’histoire et de géographie, plutôt qu’à une gestion de son image, si bien ciselée qu’on ne serait pas étonné plus que ça qu’elle puisse faire l’admiration de Madonna en personne…
Un sans-faute ? Pas si sûr. En avril 2016, première une de Paris Match, avec ce titre valant son poids de cacahuètes et de fraises Tagada : « Ensemble sur la route du pouvoir, Brigitte et Emmanuel Macron. » Pourquoi pas Le Triomphe de la volonté ? Et le tout en kiosques, le jour où François Hollande s’apprête à défendre ce qui lui tient lieu de bilan. « Une bêtise que ma femme regrette », assure immédiatement Emmanuel Macron. Mais une « bêtise » appelée à être la première d’une longue série.
Ainsi, quatre mois plus tard, toujours en couverture de Paris Match, les deux tourtereaux marchant sur la plage, cheveux au vent et pieds dans l’eau, avec ce titre : « Emmanuel et Brigitte Macron, vacances en amoureux avant l’offensive. » Heureusement que c’était sur le sable de Biarritz et non point sur celui de Normandie, parce qu’autrement, on aurait pu croire qu’il s’agissait du débarquement de 1944.
Ajoutez à cela sa « dimension christique », que le principal intéressé ne « revendique pas », mais « ne nie pas non plus », et cette anecdote susceptible de « faire sens », comme écrivent les cuistres : c’est Caroline Pigozzi, spécialiste du Vatican à Paris Match, qui a mis en contact Brigitte Macron avec cet hebdomadaire. Poids des mots, choc des ex-voto ? D’où, peut-être, l’explication de la photo sulpicienne du candidat sur son programme de campagne. Les yeux hagards et écarquillés tournés au ciel, comme si saint Frusquin et saint Glin-Glin venaient de lui apparaître…
Sans aller jusqu’à prétendre que ce mec est fou, il n’est pas impossible que, non content d’avoir les fils qui se touchent, il n’ait pas forcément la lumière à tous les étages. Candidat de la post-démocratie 2.0 ? Zéro tout court, comme aurait pu noter, en rouge et dans la marge, la reine mère lui tenant lieu d’épouse.
Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire