Les étranges financements du fonds Google…

Depuis 2013, le géant californien de l’Internet Google subventionne les projets de la presse d’information politique et générale (IPG) au travers du Fonds pour l’Innovation Numérique de la Presse (FINP). Ce dernier prend en charge 60% du financement de projets réellement innovants. Une façon claire d’éviter les conflits avec les éditeurs, comme en Allemagne notamment. Google peut continuer ainsi à proposer le contenu des éditeurs français aux internautes, en récupérant au passage une bonne partie des annonceurs. Le second cru de cette distribution de quelque 20 millions d’euros par an, relève de surcroît quelques curiosités frappantes.

En premier lieu, les groupes Figaro et Les Échos reçoivent à eux deux plus de 25% de la manne versées en 2014, soit quelque 4,5 millions d’euros sur les 16 distribués. Pour le premier, l’enveloppe a servi à payer le développement du Big Data en interne (1,7 million d’euros), mais aussi une offre de contenu numérique “art de vivre” en mandarin, baptisée Si Xiang Bal (0,5 million d’euros). Bien que réservé en principe à des projets autour de l’information politique et générale, Google finance donc une offre de contenu life style dans le cas présent. Dans les faits, Lefigaro.fr bénéficie du label IPG quel que soit ses rubriques et ses onglets. Les Échos de leur côté se sont fait financer en 2014 une plate-forme d’annonces judiciaires et légales (2 millions d’euros) et un site à destination des étudiants (0,5 million), Les Échos start. Le nouveau service d’AJL, qui a largement contribué au retour à l’équilibre d’exploitation du groupe Les Échos en 2014, vient concurrencer les offres (similaires) de la presse professionnelles (Le Moniteur, etc). Or cette forme de presse ne bénéficie pas, elle, du label IPG.

Au-delà de l’interprétation des critères, pour appartenir ou non à l’information politique et générale, la composition du conseil d’administration du FINP laisse songeur. Francis Morel, PDG des Échos, est le président (tournant) du FINP tandis que Marc Feuillée, son homologue du Figaro, est l’un des quatre représentants de la presse.

D’autres dossiers subventionnés en 2014 posent d’autres questions, non pas déontologiques cette fois, mais quant à l’identité des bénéficiaires ou la destination des fonds. Ainsi l’association Alter médias, qui publie le site Bastamag.net, a reçu 105 000 euros “pour mettre en place une nouvelle offre éditoriale pour susciter le soutien financier des lecteurs”. Le fait que Bastamag.net, site écologiste marqué à gauche, fustige à longueur de colonnes Google comme les autres multinationales, ne semble gêner aucun des deux “partenaires”. Le cas de Worldcrunch est également curieux. La filiale française de ce site américain d’agrégations d’informations d’autres supports n’a réalisé en 2014 que 75 000 euros de chiffre d’affaires, pour 238 000 euros de pertes. Elle a bénéficié d’une enveloppe de 240 000 euros pour développer une nouvelle plate-forme aux objectifs confus.

Lu sur L’OJIM

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