Interview de Bruno Gollnisch
— Dénoncer le mode de scrutin, est-ce se chercher des excuses ?
— Je crois que nous n’avons pas à nous excuser de quoi que ce soit… Cette dénonciation du mode de scrutin, chez nous, n’est pas nouvelle. Tout le monde a l’air de se satisfaire de ce mode de scrutin, mais il stupéfie nos collègues étrangers quand ils apprennent que le Front national n’a que deux députés à l’Assemblée nationale, et que jusqu’à présent il n’était pratiquement pas représenté. On n’avait jamais compté les élus frontistes aux élections cantonales autrement que sur les doigts d’une seule main. Aujourd’hui plusieurs mains sont nécessaires pour les compter.
— Faudra-t-il continuer à subir ce mode de scrutin ?
— Ce mode de scrutin est ravageur pour nous dès lors que les socialistes, n’étant plus en lice, votent UMP, ou que l’UDI fait voter socialiste – mais le jour où nos résultats seront plus importants que ceux de nos adversaires, ce sont eux qui seront laminés. J’en faisais la remarque dimanche soir hors antenne à un porte-parole du parti socialiste : « Aux prochaines régionales, vous retirerez vos listes au nom du front républicain prôné par Manuel Valls ? Ce serait la disparition pure et simple du parti socialiste d’un certain nombre de régions ! » Nous serons trois forces en présence et tout ce qui a été instauré pour minorer les résultats du Front national se retournera contre nos adversaires, comme la prime d’un quart des sièges attribués au vainqueur.
— Quel rôle joueront les conseillers départementaux FN ?
— Ils feront leur travail d’opposants, qui consiste d’une part à critiquer, d’autre part à proposer. Ils mettront leur nez dans l’énorme budget de l’aide sociale pour y traquer les gaspillages (à défaut d’instaurer la préférence nationale qui relèverait d’un texte législatif, voire constitutionnel). Ils s’intéresseront à la sécurité dans les collèges, au financement des activités périscolaires, sachant que les départements n’ont normalement pas de compétences pédagogiques : ils ne seront pas prêts à voter n’importe quoi et à couvrir des contenus d’enseignement pervertis par l’entremise de Najat Vallaud-Belkacem. Autre exemple, la protection du patrimoine pourrait être privilégiée plutôt que de financer des projets coûteux et un art contemporain qui, comme par hasard, donne toujours du côté du laid, du pervers, de l’insignifiant. Curieusement, les artistes qui procèdent à une authentique recherche du beau ne reçoivent jamais de subvention.
— Comment s’expliquent les résultats du Vaucluse ?
— Je regrette qu’il n’ait pas été possible de s’entendre avec la Ligue du Sud. Au nombre de voix, et au nombre de sièges, les résultats sont bons néanmoins. Il se dit que le Front national n’a pas atteint ses objectifs, mais c’est faux : ce qu’il n’a pas atteint, ce sont les objectifs que les médias lui assignaient. Je l’ai dit moi-même au cours de la campagne : ils ne nous portent plus haut que pour mieux nous refuser le succès. Ni Marine Le Pen ni moi ne pensions que, partant de rien, nous pourrions conquérir la majorité dans des départements sans implantation préalable, sans connaissance des dossiers. Dans les régions, nous nous sommes rodés par un travail d’opposition qui nous a permis d’avoir l’expérience de dossiers extraordinairement complexes. En Rhône-Alpes, un dossier budgétaire fait 500 pages. Le traiter, cela s’apprend en commissions, en assemblées plénières, et c’est cela qui nous rend aptes, demain, à gérer des régions.
— Le gouvernement Valls a-t-il un avenir ?
— Au risque de vous décevoir, je pense que le gouvernement n’a aucun souci à se faire de ce point de vue là. Il peut continuer à écraser de son mépris le mécontentement du peuple français, à pratiquer la méthode Coué… Tous les éléments institutionnels sont entre les mains du gouvernement. Le 49-3, en contraignant les opposants à voter une motion de censure, fera immédiatement rentrer dans le rang de soi-disant frondeurs, qui savent que voter contre le gouvernement contraindrait à une dissolution, laquelle les renverrait tous à la maison. Une autre arme n’a pas encore été utilisée, les ordonnances, qu’on appelait « décrets-lois » sous la IIIe République. Elles permettent au gouvernement de légiférer par décrets. Les socialistes sont bien capables de l’utiliser, puisqu’ils sont précipités dans une fuite en avant qui consiste à pratiquer la même politique en espérant que le contexte international favorise une légère reprise économique dont ils s’arrogeront le mérite. La politique socialiste est suicidaire mais l’UMP ne ferait pas mieux, pour une raison simple : les uns comme les autres sont acquis au mondialisme. Ce mondialisme ne permet pas de revivifier durablement l’emploi, de protéger l’économie française de la désagrégation, ni de reprendre en mains les destinées de notre pays.
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