Des ouvrages pseudo-scientifiques aux « fake news », l’époque est à la post-vérité. Chacun peut s’improviser expert et dénoncer, sans crédibilité scientifique, qui les nouveaux compteurs communicants comme Linky, qui un prétendu complot politique.
Dans le cadre de la transition énergétique, tous les foyers français seront équipés, d’ici à 2020, de ces nouveaux compteurs communicants. Des appareils « intelligents », capables de mesurer et transmettre en temps réel la consommation d’électricité d’un foyer, et ce, afin que les fournisseurs d’électricité puissent adapter leur production, mais aussi proposer des offres adaptées aux modes de vie de leurs clients.
Mais pour Clotilde Duroux, « la vérité est ailleurs ». Auteur d’un livre appelé La vérité sur les nouveaux compteurs communicants, madame Duroux entend y dénoncer « la face cachée de ces compteurs dits “intelligents” qui servent avant tout les lobbies de l’énergie ». Le tout en démontrant que les compteurs Linky « posent des problèmes majeurs en termes de santé publique (nocivité des ondes), de sécurité (piratage) et de libertés publiques (collecte des informations) », dixit la quatrième de couverture. Une experte, donc, en électrosensibilité, hacking et big data ; rien que ça.
Le curriculum vitae de Clotilde Duroux ne garde pourtant pas trace d’études approfondies sur les ondes ni en matière d’informatique. Chef d’entreprise, madame Duroux propose également ses services en naturopathie, une méthode de soin basée sur une conception holistique et naturelle de la santé.
Rien de répréhensible à cela. Mais rien de scientifique non plus.
La vérité sur les nouveaux compteurs communicants est préfacée par un certain Gérard Dieuzaide, qui n’hésite pas à comparer le futur scandale des compteurs Linky à celui de Tchernobyl. « Le monde médical n’est pas informé. […] Il reste sourd », dénonce Gérard Dieuzaide, qui sait de quoi il parle en sa qualité de… chirurgien-dentiste.
Nos deux compères ne sont pas les seuls à s’être engouffrés dans le filon, hautement rémunérateur, de la lutte contre les ondes électromagnétiques. « Sexy, Linky ? », se demande ainsi Nicolas Bérard en couverture de son dernier ouvrage. Livre dans lequel il met en garde ses lecteurs : « Avec Linky, ErDF (devenu Enedis) pourra dire à ses partenaires commerciaux si vous buvez beaucoup de café, si vous êtes plutôt casanier, si vous êtes un couche-tard, si vous regardez beaucoup la télévision ou si vous ne vous douchez qu’une fois par semaine », prévient-il. Big Brother is watching you…
Problème : les accusations de Nicolas Bérard sont aussi dénuées de crédibilité scientifique que celles de Clotilde Duroux. Son livre est truffé de suppositions et d’affirmations non avérées qui, réunies, n’en constituent pas pour autant des preuves scientifiques. Pour le citoyen sincèrement désireux de s’informer, cette multiplication des contre-vérités tourne au cauchemar.
Aurélien Giroux – Boulevard Voltaire