Mon général,
Je croyais en vous, en ce gendarme qui disait tout haut ce que nombre de pandores pensaient tout bas. Je considérais qu’au sein de la grande muette, un homme, un officier s’était enfin levé pour révéler l’état actuel de la gendarmerie et, plus généralement, des forces de l’ordre face à une délinquance identifiée et localisée.
Oui, mais voilà, j’aurais dû me souvenir que certains militaires, quand ils côtoient les politiques, ne résistent pas aux sirènes du suffrage universel.
Vous me direz : « Après tout, j’ai le droit de me présenter devant les électeurs, d’autant plus que je ne m’inscris pas dans un combat gauche droite. » Certes, mais pour entériner ce choix, vous avez décidé de soutenir Macron et d’être le candidat de En marche ! pour les législatives post-présidentielles.
À la question « Pourquoi exactement avez-vous rejoint le mouvement de l’ex-ministre des Finances de François Hollande ? », vous répondez de manière naïve et confondante : « Si j’ai rejoint le mouvement En marche !, c’est parce que son dirigeant se situe au-delà des clivages, qu’il ne fait pas de la politique comme les autres. »
Il ne fait pas de politique comme les autres ? Mais Kouchner, Cohn-Bendit, Minc, Attali, BHL, Tapie le soutiennent. Pensez-vous que ces personnalités sont des perdreaux de l’année, des vierges politiques effarouchées par le système ?
Pensez-vous que les Bayrou, Rugy, Gérard Collomb, Lepage sont différents des autres politiciens ? Je crois, mon général, que vous confondez jeunes poulains et vieux chevaux de retour.
Toute cette valetaille sentant monter dans le peuple la haine des magouilles a changé son fusil d’épaule. Pour se camoufler, ils jouent Macron gagnant, jugeant que sa nouvelle couche de peinture ripolinée va pouvoir abuser les électeurs.
Pensez-vous que les grands patrons qui le soutiennent — les Bernard Arnault (LVMH), Alexandre Bompard (Darty et la FNAC), Marc Simoncini (Meetic), Vincent Bolloré (Vivendi), Laurent Bigorgne (Institut Montaigne) — ne sont que de simples mécènes ?
Vous êtes-vous demandé, mon général, pourquoi votre candidat était le chouchou des médias ? De Jean-Michel Baylet, patron de La Dépêche, du Midi libre et de l’Indépendant, à Patrick Drahi, patron de Libé, L’express, BFM TV et RMC, tous le favorisent.
Que pensez-vous des facilités offertes à Drahi par Macron pour le rachat de SFR ? Que pensez-vous de la vente de notre fleuron Alstom à une société américaine ?
Ne voyez-vous pas, mon général, que dans chaque meeting, l’ex de chez Rothschild dit tout et son contraire, que son seul but est d’engranger des voix, aidé en sous-main par la finance internationale ?
Enfin, et surtout, comment pouvez-vous soutenir un homme qui a expliqué aux médias algériens que la colonisation française était un crime contre l’humanité ? Les soldats des troupes coloniales et de l’Armée d’Afrique ont dû se retourner dans leurs tombes devant de tels propos. Pourtant, je ne vous ai pas entendu vous rebeller devant ces paroles. Une place de parlementaire vaut-elle le désaveu de vos grands anciens ? Honneur et Patrie, cette devise de nos drapeaux, vous anime-t-elle encore ?
Comme disait Jean Cocteau, « un général ne se rend jamais, même à l’évidence ». J’ajouterai : surtout quand cette évidence prend la forme d’une écharpe tricolore…
Mon général, quand vous avez sorti votre livre et que vous étiez honni par les autorités civiles et militaires, je vous ai soutenu, j’ai espéré en vous. Je m’aperçois aujourd’hui que j’ai eu tort. Vous n’êtes pas de la race des lions mais de celle des renards.
J.-P. Fabre Bernadac
Ancien officier de Gendarmerie
Boulevard Voltaire