De tradition, pourrait-on dire, le monde de « la culture » est pour la gauche l’instrument de conquête du pouvoir. Le monde culturel est même le seul sur lequel se soit véritablement appuyé un Mitterrand pour conquérir l’Elysée, les ouvriers et la populace n’étant que l’ultime alibi humaniste pour emporter la mise.
Dans cette stratégie de conquête, Mitterrand s’était offert le meilleur des stratèges : Jack Lang. L’homme qui allait, de colloques en festivals, rameuter toute la planète des théâtreux et des artistes subventionnés vers le candidat socialiste. Lang y gagna ses galons de Délégué à la Culture du PS, puis, à partir de 1981, de ministre de la Culture, de la Communication, des Grand Travaux, du Bicentenaire et même de l’Education.
Sentant ses chances de réélection fort compromises, le président Hollande s’est dit, à 15 mois de sa fin de mandat, qu’il avait sans doute intérêt, lui aussi, à tenter de se concilier tous ces drogués de la subvention qu’on appelle « les milieux culturels ». C’est pourquoi il a appelé au ministère de la Culture la très ambitieuse Audrey Azoulay. Fille du conseiller culturel du roi du Maroc, cette dame possède en effet des qualités essentielles pour la mission. Jusqu’ici « conseillère culture » du Président, c’est elle qui s’est chargée de maintenir les largesses offertes aux intermittents du spectacle pour calmer leur grogne. Ancienne patronne du CNC (Centre national du cinéma) et grande amie de Julie Gayet, la maîtresse du chef de l’Etat, Azoulay nage dans ce milieu comme un poisson dans l’eau. C’est donc très logiquement que sa première mesure de ministre soit une fleur faite aux cinéastes.
Audrey Azoulay estime que les recours en justice sont trop faciles. Surtout, elle a en travers du gosier les récentes victoires de l’association Promouvoir, « proche des milieux catholiques traditionalistes » contre les films La vie d’Adèle ou Love. Elle vient donc d’annoncer la prochaine modification des textes régissant l’interdiction aux moins de 18 ans, dont sont désormais frappés ces deux films. Le ministère, dit-elle, « entend notamment modifier un article du code du cinéma qui entraîne aujourd’hui une interdiction “automatique” d’un film aux mineurs lorsque celui-ci “comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence“, même quand cette production n’est pas un film “classé X” ».
L’interdiction se baserait désormais sur « la présence dans le film, “sans justification de caractère esthétique” de “scènes de sexe ou de grande violence” pouvant “troubler gravement la sensibilité des mineurs” ou “banaliser” la violence ».
C’est intéressant, car de prime abord on ne voit pas ce que cela change. A vue de nez, cela paraît même presque plus contraignant ! Sauf que… Sauf que le critère objectif – celui des scènes de sexe non simulées – a disparu. Ne reste donc que du flou, de l’approximation, du purement subjectif quant à ce qui est susceptible de « troubler gravement la sensibilité des mineurs ». Critère, on en convient, difficilement quantifiable.
De même, Mme Azoulay veut réduire les délais de recours en justice, de façon à couper l’herbe sous le pied des grincheux et de « protéger davantage les réalisateurs et les producteurs face à des procédures judiciaires au long cours ».
Ses amis cinéastes, c’est sûr, lui en seront reconnaissants. De là à penser que François Hollande y gagnera sa réélection…