Depuis la loi de 1905, plus de 80% des églises parisiennes sont la propriété de la Ville de Paris qui, à ce titre, doit prendre en charge l’entretien de ce patrimoine. Dans le cas où l’église est classée monument historique – comme Saint-Sulpice par exemple –, la facture des travaux est à partager avec l’Etat, à moins que la Région ne décide également d’alléger la facture de la Ville. Depuis des décennies, y compris sous les mandatures Chirac et Tiberi, la Ville de Paris se moque comme d’une guigne de l’entretien de son patrimoine religieux.
Désamour municipal
Aussi – ce qui n’est pas le cas, en revanche, pour les édifices religieux appartenant au diocèse – les églises devenues propriété de la Ville sont-elles souvent en piteux état. C’est le cas notamment de Saint-Augustin ou de Saint-Philippe-du-Roule, à l’intérieur desquelles il pleut… A quelques encablures du faubourg Saint-Honoré, la Madeleine n’est pas en meilleure santé car sa structure est grandement fragilisée. Des échafaudages ainsi que des filets empêchent la chute des pierres. Mais pas de travaux de restauration prévus pour l’instant. Trop cher, dit la Mairie qui rechigne à programmer 20 millions de travaux, mais trouve tout à fait normal de budgéter 71 millions d’euros pour des « événements participatifs ». L’église de la Trinité n’a rien à envier à ses voisines : sa façade est couverte d’échafaudages pour éviter les chutes de pierres, tout comme d’ailleurs ses tours latérales. Quant à Saint-Eustache, des structures métalliques étayent les deux niveaux de sa façade principale et son fronton est pris dans un filet métallique. Saint-Vincent-de-Paul a rejoint les éclopées, avec son abside qui commence à tomber en morceaux. Et ne parlons pas de l’état des peintures murales de Saint-Merri, de Saint-Augustin ou de Sainte-Clotilde. Bref, les églises de Paris souffrent d’un réel désamour municipal.
Deux associations attachées à la protection du patrimoine religieux, SOS Paris et l’Observatoire du Patrimoine religieux soulignent, chiffres à l’appui, cette coupable indifférence.
Sous les deux mandatures Delanoë, alors que le budget de la ville a augmenté de 59%, le budget alloué aux édifices religieux a diminué de 27% ! Et la part de la restauration des édifices religieux dans le budget global a diminué de plus de la moitié entre les deux mandats.
Les associations estiment qu’il faudrait 500 millions dans les quinze prochaines années pour sauver ce patrimoine. Un montant dérisoire par rapport au budget global et surtout par rapport aux dépenses extravagantes engagées dans d’autres domaines. Delanoë regnante, la Ville a ainsi dépensé 110 millions d’euros pour construire le nouveau stade Jean-Bouin et 85 millions d’euros pour la Gaîté-Lyrique, dédiée à la culture numérique… Quant à Anne Hidalgo, elle a osé consacrer 200 000 euros pour un quart d’heure de spectacle destiné aux badauds et aux pickpockets du 31 décembre sur les Champs-Elysées.
Les laïcards à la manœuvre
N’oublions pas enfin dans ce désamour l’influence de l’extrême gauche parisienne et plus spécialement du Front de Gauche et de son représentant le cauteleux Alexis Corbière. Lors de la discussion du budget 2014, il dénonçait dans les 11 millions d’euros annuels alloués à la restauration des édifices cultuels un coup porté contre la laïcité : « Si la commune, propriétaire des biens cultuels depuis la loi de 1905, doit veiller à leur entretien, la loi ne lui fait aucune obligation de payer la restauration des décors et les mille et un travaux de confort, comme le chauffage ou l’électricité. La Ville ne doit financer que ce que la loi exige, à savoir la sécurité des bâtiments. Or il apparaît qu’elle va bien au-delà. Respectons la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, respectons la laïcité, ne créons pas une injustice pour les autres cultes. Car à ce moment-là, pourquoi ne pas donner autant pour les mosquées et les synagogues ? A la Ville de payer pour la sécurisation, aux fidèles de financer le culte ! »
Des propos que ne renie sûrement pas Bruno Julliard, premier adjoint d’Hidalgo et adjoint à la Culture, même si dans un communiqué du 19 décembre dernier, il « saluait la place centrale accordée à la préservation du patrimoine dans la nouvelle mandature ». Il ferait bien de se remémorer un article du pourtant très conformiste journal La Croix, qui écrivait le 12 février 2014 : « La misère des églises parisiennes est devenue une réalité bien visible pour les Franciliens comme pour les touristes. » Dont beaucoup viennent dans la capitale pour y admirer les trésors de notre art religieux.
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