À 35 ans, la blogueuse féministe devenue secrétaire d’État n’a pas la vie gouvernementale facile. Un jour critiquée pour ses positions sur la laïcité, l’autre houspillée pour la mise en scène de sa traversée du quartier Chapelle-Poujol. Tous les jours ou presque, abondamment éprouvée sur les réseaux sociaux.(…)

Alors que Jonathann Daval a avoué le meurtre de sa femme le 30 janvier, après trois mois d’enquête, Marlène Schiappa s’est indignée au micro de RTL contre la défense du mari de la joggeuse. En effet, l’avocat de M. Daval a évoqué «de très fortes tensions» au sein du couple, décrivant la personnalité d’Alexia comme «écrasante», et un Jonathann trop souvent «rabaissé, écrasé». Pour la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les hommes et les femmes, «ça suffit». «L’idée, c’est de dire qu’à chaque fois qu’une femme est victime de violences sexistes ou sexuelles et ici d’un féminicide, on trouve des raisons qui justifieraient le fait que cette femme ait été victime. On fait comme si la victime elle-même était coupable d’avoir été victime», s’emporte-t-elle sur RTL. «Ce n’est pas une dispute, ce n’est pas un drame passionnel, c’est un assassinat. En disant ça, on légitime les féminicides.»

Sauf que. Jonathann Daval a le droit de se défendre comme il le souhaite, et la secrétaire d’État n’a en aucun cas à s’exprimer sur une affaire judiciaire en cours. Stéphane Durand-Soufflant, chroniqueur judiciaire au Figaro, parle d’ailleurs de «choquante intrusion» : «L’irruption d’un membre du gouvernement dans une instruction qui n’en est qu’à ses prémices est choquante, ne serait-ce qu’au regard de la séparation des pouvoirs. Le fait que Mme Schiappa qualifie de “scandaleuse” la ligne de défense de M. Daval est révoltant.» Et d’ajouter un extrait de l’article 304 du Code de procédure pénale, dans lequel les jurés prêtent serment de «n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection». CQFD.

Propos nuancés

Marlène Schiappa n’en est pas à sa première polémique. Dès sa nomination dans le gouvernement d’Édouard Philippe, en mai 2017, certains de ses propos sur la laïcité et le port du voile, publiés dans une tribune sur le Huffington Post en 2014, refont surface et la propulsent au centre d’une première tornade médiatique. Ses mots de l’époque : «L’article 1er de la loi de 1905 prévoit que la République “ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte”. Ni plus ni moins. Interdire le voile, c’est reconnaître le voile comme signe religieux, donc reconnaître une religion, interdire le voile à l’école est donc contraire à la loi de 1905». Une petite bombe, à retardement, donc. (…)

 

Photos supprimées

La deuxième polémique attendra quelques semaines. Et plus précisément un tweet de ladite secrétaire d’État, signé du 12 juin 2017. «Les lois de la République protègent les femmes, elles s’appliquent à toute heure et en tout lieu. – MS.» Le message est assorti de quelques photos montrant Marlène Schiappa de nuit, en robe, dans le quartier de La Chapelle-Pajol, zone alors au cœur d’un débat sur le harcèlement de rue lancé par Le Parisien. Twitter s’insurge, l’opposition se frotte les mains. La légende et les photos sont vite supprimées mais les questions subsistent : quel était vraiment le message ? Son équipe plaidera le «bug communicationnel».

Écrits démentis

Couverture d'un livre de Marie Minelli

Le mois qui a suivi a soufflé un vent de trêve sur les longs cheveux de la benjamine du gouvernement. Début juillet 2017, l’attention était tournée vers Laetitia Avia, débutée LREM de la 8e circonscription de Paris, accusée d’avoir «mordu un chauffeur de taxi» par Le Canard enchaîné. Avant de revirevolter vers Marlène Schiappa again, qui se retrouve sous le joug d’une nouvelle enquête gênante de L’Express. Le 7 juillet 2017, l’hebdomadaire met en évidence de nombreux éléments laissant penser que la fondatrice du réseau Maman Travaille a aussi écrit moult ouvrages érotiques sous le pseudonyme de Marie Minelli. Ouvrages aux titres aussi subtils que Comment transformer votre mec en Brad Pitt en 30 jours ou Les Filles bien n’avalent pas. Contacté par L’Express, le cabinet de la secrétaire d’État a pourtant nié en bloc.(…)

Discours attaqués

Après les écrits douteux, les discours contestés. Fin juillet 2017, la secrétaire d’État est en proie à une bronca des gynécologues. En cause : son discours du jeudi 20 juillet au Sénat, au cours duquel elle a assuré qu’«en France, on a un taux d’épisiotomie à 75%, alors que l’Organisation mondiale de la santé préconise d’être autour des 20-25%», rajoutant qu’il existe «des pratiques obstétricales non consenties avec notamment des violences obstétricales, semble-t-il, particulièrement sur les femmes étrangères, les femmes très jeunes, et les femmes handicapées».

Réponse outrée Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), lundi 24 juillet, qui proteste contre «les informations fausses» relayées par Marlène Schiappa : «Non Madame la secrétaire d’État, les obstétriciens ne maltraitent pas leurs patientes et entendent à leur tour ne pas l’être par une secrétaire d’État mal informée», a écrit le président du CNGOF, le professeur Israël Nisand.

“Fake news”

Une polémique qui vient en cacher une autre. Celle autour de la coupe budgétaire annoncée en juillet de 27 % dans le budget du secrétariat d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes. Une annonce qui soulève les féministes craignant une réduction des subventions aux associations de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Et Marlène Schiappa de moyennement les rassurer, criant d’abord à la «fake news», puis, de manière plus argumentée : «Tous les chiffres qui circulent sont soit des faux, soit ils sortent de notes internes qui n’ont pas été validées. Les subventions en direction des associations ne baissent pas d’un euro, elles sont maintenues», martèle-t-elle le 20 juillet devant les sénateurs, en marge de la présentation de sa feuille de route à la Délégation aux Droits des femmes.

Sauf que la secrétaire d’État n’a rassuré personne. «Nous attendons maintenant des chiffres précis concernant les coupes budgétaires. Et dans l’idéal, des excuses de la ministre Marlène Schiappa !», lançait en suivant Raphaëlle Rémy-Leleu, vice-présidente de l’association Osez le féminisme.

Cet article initialement publié le 10 juillet 2017 a été modifié.